High Rise

Exceptionnellement, Vasco avait été bipé pour travailler cet après-midi là. Y'avait eu un énorme carambolage sur un axe routier particulièrement emprunté. Un camion s'était renversé, balayant au passage plusieurs voitures, et l'effet domino n'avait pas épargné les automobilistes derrière-lui. C'était un bordel sans nom aux urgences, les ambulances ne faisaient qu'aller et venir. Vasco a bien du faire quelques aller et retours afin de pouvoir transporter tout le monde. Campé derrière son volant, il démarrait au quart de tour dès qu'un de ses collègues lui signalait que le ou les blessés avaient quitté le véhicule. En cette fin d'après-midi, l'ambulancier était exténué. Il avait eu la flemme de faire le chemin en transport en commun, se sentant d'humeur trop maussade que pour se mélanger à la population de Chicago, et avait opté pour une trottinette empruntée via une application. Il avait garé la petite bécane électrique devant le sous-sol du square et s'était dirigé vers celui-ci pour emprunter l'ascenseur jusqu'à son étage, le dixième, afin de croiser le moins de monde possible. Il avait sa gueule des mauvais jours. Les traits tirés à l'excès, des rides de fatigue dominaient sont visage habituellement angélique. Il soupirait tout en marchant en ayant qu'une idée en tête : retrouver son lit. Il avait déjà programmé son réveil pour vers 20h30 pour se préparer pour la course prévue ce soir-là.

"Besoin d'aide ?" qu'il grogna en toute sympathie (oui, c'est possible quand on s'appelle Vasco) et se précipita vers la bécane occupée à écraser son propriétaire ou un voleur. Il se fichait bien de savoir si l'engin appartenait à ce gars ou non, c'était la dernière de ses préoccupations. Une fois la Honda sur ses deux roues, il ne put s'empêcher d'offrir un sifflement admiratif au vu du modèle. "Vous devriez faire attention la prochaine fois, elle va s'abimer si elle tombe trop souvent" Ses lèvres s'élargirent dans un sourire amical tandis que les cernes ses yeux semblaient un peu plus se creuser au fil des minutes qui s'écoulaient.

vasco aurait pu faire comme les trois quart des habitants de cet immeuble et passer son chemin sans venir en aide au jeune homme. Il aurait pu marcher tête baissée ou faire semblant d'être sourd à ses lamentations, mais la vérité c'était que même en étant au bout du rouleau, Vasco ne pouvait s'empêcher d'être gentil et amical. "De rien." Amical et poli. Ce qui était vraiment rare dans les parages. L'type semblait faire partie des exceptions. Tandis qu'il observait avec attention sa moto, Vasco ne put s'empêcher de guetter le moindre signe de blessure chez la victime. Il observa ses traits, sa manière de se mouvoir et pour l'instant, le blondinet semblait parfaitement bien aller hormis ses traits fatigués. Jusqu'à ce qu'il ne mentionne qu'il ne savait pas comment elle avait pu faire pour tomber. Distraction, inattention ? Manque de vigilance ? Il se releva douloureusement, et sa démarche fut suffisamment particulière pour que ça alerte l'ambulancier, mais c'est lui qui parla en premier. "Non merci, je préfère éviter les drogues." Ca, c'était le plus gros mensonge du jour. Vasco ne pensait pas aux litres de Red bull qui s'enfilait par semaine, ni aux amphétamines qu'il ingurgitait pour tenir le coup. en réalité, il n'était pas vraiment conscient qu'il avait plus d'un problème d'addiction. "Et puis, je ne suis pas fatigué, par contre vous… Regard trouble, démarche tremblante, peu de force dans les muscles et ce manque de vigilance ... Je doute que ça soit les effets du pétard. " Il lorgna sur Léno comme si c'était un patient, se força à puiser dans ses réserves d'énergie pour donner le change (non, il n'était pas fatigué !) et demanda : "Vous n'avez pas mal quelque part ? " Il plissa les lèvres, pensifs et souligna d'une voix douce et chaleureuse  "Si une douleur persiste, vous devriez consulter. Soyez vigilant en cas de gonflements ou toute chose inhabituelle, d'accord ? "

L'inconnu lui laissait une impression étrange, comme celle d'un petit garçon dans le corps d'un homme. Il était doux dans ses paroles et cela contrastait avec les traits fins et durs de sa mâchoire. Il avait un physique atypique, de ceux qu'on ne peut pas oublier. Ce genre de visage qui laisse une trace dans le subconscient. S'il l'avait déjà croisé, il s'en serait souvenu, et ce malgré la fatigue. Oui, fatigué, il l'était, mais hors de question de l'avouer. Il trouva cela étrange que le type fume un joint devant lui. Il ne devait pas avoir peur de la police, peut-être même qu'il en faisait partie ? Il doit bien y avoir des pompiers pyromanes, pourquoi pas un flic fumeur de Marie-Jeanne ? Qui il soit, Vasco s'inquiétait de son état. Il venait quand même de se ramasser une bécane sur la gueule, ce n'était pas rien. Sa réponse l'intrigua. Avait-il face à lui quelqu'un qui souffrait d'un mal bien plus grave ou alors, d'un mal plus psychique ? Ne pas ressentir la douleur, c'est interpellant, non ? "Ah, d'accord." Que répondre à ça ? C'était à la fois déstabilisant, interpellant, mais suffisamment énigmatique pour pas poser trop de question.

"Ah non, pas du tout." A ce sujet, c'est fou ce que Vasco pouvait mentir. Il n'avait pas honte d'être ambulancier, c'était bien plus compliqué que ça et lui-même n'arrivait pas à mettre des mots sur le pourquoi il refusait d'avouer qu'il accumulait trois job, et refusait de s'avouer qu'il voulait travailler comme ambulancier h24. Il a des responsabilités, et lesquelles ! Il était convaincu que Gillian et toute la clique n'approuveraient pas cette idée, et ça, sans réelle raison apparente. "J'adore Grey's Anatomy ! Et souvent quand y'a un accident et que tout sembler aller bien, y'a un truc qui part en cacahuète après." Il rit doucement, puis tandis la main. "Oui pas de problème. Vasco. J'bosse à la piscine là-haut." Aucun intérêt qu'il habitait l'immeuble, de toute façon, son appartement n'était qu'un pied à terre à peine meublé. "Tu l'as depuis longtemps ? " qu'il demande en donnant un coup d'menton en direction de la moto. "Si tu veux, j'connais deux super garagistes si t'as besoin un jour. "