High Rise

gars de la street

( Cerveau en surchauffe ) Les études sont pas faites pour tout le monde. Chaque jour de notre vie, y'a toujours quelqu'un pour nous murmurer qu'on sera un raté si sort pas du lycée avec suffisamment de bagages pour faire une belle école, et avoir une belle carrière, avec un bel appart' dont on paiera le crédit jusqu'à la majorité de nos jolis gamins. Trop cool. Comme tout le monde, j'ai tenté. Et comme pas mal, je me suis ramassée. Je ne sais pas si le pire était la chute, ou le fait de se relever et de voir qu'on préférait être en bas. Je veux pas de cette vie-là. Du coup j'ai lâché le droit après trois ans, ça m'a rien apporté d'autres que des rencontres que j'aurais préféré éviter, et des heures à bosser une matière inutile quand on sait que la justice est pourrie de l'intérieure, et que les lois ne sont là que pour rassurer les foules. Bref, je suis partie et clairement, ça n'a plu à personne : parce qu'encore une fois, si on file pas droit, y'a que la rue qui nous attend, c'est ça ? C'est ce que m'a dit mon père, en tout cas. Mais soit, admettons. J'ai quand même tenté ma chance.
Sac sous le bas et ticket de train, j'ai dit Ciao à ma mère, merde à mon père et adieu au bordel qu'avait été ma vie jusque-là.

( Tu pues la frite) Ah bah ouais, c'est super glamour de bosser chez MacDo. Perso j'adore faire frire des os de poulet dans du gras et les filer à un connard qui dit pas bonjour parce qu'il sait que le client est roi. Ouais, le rêve. Du coup je recommence. Tous les jours. Parfois les soirs. Parce que les pâtes, c'est pas gratuit, et qu'un toit sur la tête ça se construit pas à base de rêves de gosse. Le plan a quelque peu dévié depuis la scène sur le quai de la gare (quoi que, y'avait pas vraiment de plan défini, en fait). Je me suis retrouvée dans une ville inconnue à 20 piges, sans thune et sans projet. Fallait bien trouver de quoi survivre en attendant d'avoir l'idée du siècle. Celle qui changerait ma vie et me trouverait une juste place dans ce monde, celle qui ferait taire mes vieux et qui me rendrait fière. Cette idée-là, je sais qu'elle va arriver, bientôt. Un jour.
Mais le plus vite serait le mieux. 

( Toute façon, on peut plus rien dire) Casseuse d'ambiance, carrément ? C'est pas très sympa. Je compte plus les fois où on m'a balancé ça, J'ai peut-être même raté les soirées de ma vie à cause de ces conneries ! Tant pis, j'essayerai de m'en remettre. Il paraît donc que je suis mal éduquée, que je réponds un peu trop souvent, et puis surtout, un peu trop fort. Mon avis dérange, surtout lorsqu'il est dit, et quand j'ai perdu patience, j'ai aussi perdu des amis. Difficile de trouver l'équilibre entre ce qu'on voudrait leur cracher, tellement les maux sont forts, tellement le silence écrase, et ce qu'on peut leur dire, sans risquer d'être foutue à l'écart, ou bien sur l'échafaud. Parce que, c'est dommage, mais je vis aussi dans ce monde-là, et j'ai pas toujours la force d'aller au combat.

( J'aime me battre ) Non. Mais j'avoue que mes émotions et moi ne sommes pas toujours en accord. Problème de communication, sans doute : elles sortent sans me demander mon avis, et se déversent sur moi quand je m'y attends le moins. J'ai beau tenter de les contenir, elles partent dans tous les sens, m'échappent, me trompent. Puis elles me font porter le chapeau. On va donc encore dire que c'est de ma faute si mon pied à traversé le mur (alors que la qualité du placo était franchement pourrie); si je me suis mise à chialer ou si j'ai fait la gueule pendant 3 jours. J'ai vraiment horreur de l'injustice, alors mettons les choses au clair, une bonne fois pour toute : Moi, ça va. Ce bordel ? C'est la faute aux émotions.

( Démo de mots ) Quand j'arrête de me battre ou de me faire des amis, j'ai cette manie de vouloir poser mes maux sur le papier. Des idées, des ressentis ou juste une phrase qui me donne envie, j'ai l'impression que ça m'aide à garder le contrôle de ma vie. Alors c'est faux, je sais, je contrôle que dalle et je suis dans la merde, mais qu'importe : quand on part au combat, il faut savoir saisir les armes. Et mon arme à moi, c'est d'écrire. J'ai ce rêve, dans un coin de ma tête, qu'un jour je pourrais vivre de ça. Que mes mots seront suffisamment intéressants pour qu'on veuille les lire, les acheter et les faire trôner dans une bibliothèque familiale. Du rêve, qu'il dirait, la daron. Mais quand la vie elle-même semble ne plus avoir de sens, à quoi bon vivre si ce n'est pour rêver ?

( Manger-bouger.fr ) Le sport, c'est bon pour la santé. Les fruits sont tes amis, et les carottes ça rend aimable. Faut croire que j'en n'ai pas bouffé assez. J'enchaîne les clopes et les chichas avant de passer au LSD, en faisant une pause pizza histoire de se requinquer. Clairement, le mode de vie sain n'a jamais croisé ma route, sans quoi il aurait fait une crise en voyant ce que j'avale pour me maintenir en vie.
Pour me sentir en vie.  

( British long hair ) Mon accent te fait rire ? Et toi, tu t'es entendu parler ? Chocago, c'était effectivement pas la porte à côté. J'ai quitté Londres et ses bus colorés pour aller m'entasser dans un square et découvrir que le mot gratte-ciel n'a pas été inventé pour rien. Ma diction fait sourire, on me prête même des airs d'aristo comme si je venais d'un autre milieu en plus d'un autre pays. Alors que, croyez-moi, à Londres aussi on sait cramer des vélos.

( happy poeple happy music ) Il m'arrive de sourire, je le jure. J'ai la grimace facile et je râle comme je respire, mais il m'arrive d'être contente et de le faire savoir. Je vibre pour les manifs où l'osmose est telle qu'on hurle notre quotidien à la gueule de nos détracteurs. Je m'exalte au contour du visage hébété d'un connard dont la toute puissance vient juste de s'effondrer. Je ris à ces moments de complicité partagée avec les potes de tout horizon, qui ont ce même fil accroché au coeur, celui qui nous lie tous ensemble et nous redonne confiance, quand la vie part en couille et nous décolle une gifle.
Bref. Je suis une meuf tendre comme un chamallow qu'on a laissé un peu trop cramer au dessus du feu.

( La nuit porte conseil ) Sauf que je suis insomniaque. C'est con, hein ? Il reste qui pour me conseiller ?
J'ai les nuits agitées, le cerveau qui déraille à la moindre contrariété. J'ai beau gueuler fort et défendre mes convictions, ma confiance en moi n'est pas plus épaisse qu'une crêpe bretonne. Une fois que la pénombre s'abat sur mon lit, je me remets en question. Je repasse ma journée en mémoire, juste pour le plaisir de m'attarder sur les moments  ratés, ou pas assez réussis. Je m'énerve toute seule pour des conneries, et puis je m'énerve de m'énerver, jusqu'à ce que je vois que le réveil indique 2h du mat', et que je vais être crevée. Mon cerveau est mon pire ennemi, il me fait douter de tout et tout le monde, à commencer par moi. Y'a cette petite voix qui, constamment, me murmure : t'en n'as pas marre de tout foirer ?

( Papillon ) Je vole de bouche en bouche, de coeur en coeur, sans jamais m'arrêter. Je ne cours pas après l'amour, et encore moins après le cul, mais je continue de voler par peur de m'écraser, si jamais je décidais de m'arrêter. Ma dernière vraie relation remonte à mes 18 piges. Depuis, j'ai connu quelques lits et je suis tombée amoureuse, sans jamais réussir à faire quelque chose des sentiments à la con logés au fond de mon coeur. Je ne pense pas avoir peur de l'engagement, mais j'ai certainement peur de l'intimité. Alors je séduis, j'embrasse et, rarement, je me laisse tenter. La plupart du temps, je préfère étouffer le désir dans son oeuf, pour ne pas avoir à me confronter au toucher, au regard et à l'intensité de l'échange qu'on pourrait partager.