Jus D'orange Ft. Zara

Fait froid. Plus glacial que les autres jours, c'est certain. Même la météo semble s'être raccordée avec les autres pour me pourrir ma journée. D'abord ma mère, debout à sept heures du matin pour me forcer et m'accompagner (de force, hein) à cette putain de réunion de merde qui me casse les couilles. Et pour que ma mère se lève si tôt, c'est qu'elle devait vouloir que j'y aille. J'me suis dit que j'pouvais au moins faire l'effort d'entrer, de poser mon cul sur une chaise et d'attendre que le temps passe. Au moins, j'serais au chaud. Elle repart s'endormir, faut dire qu'elle bosse de nuit. C'doit être important pour elle de me conduire ici, mais yo, j'ai plus six ans. Pas b'soin qu'on me tienne la main. (En fait si, mais faut pas l'dire).

Y'a une table avec un énorme thermos de café et des boites de jus d'orange. J'me sers. J'baisse les yeux, sourcils froncés et j'regarde personne jusqu'à ce que j'aille m’asseoir sur la chaise la plus éloignée du centre de l'attention. Un p'tit type chauve monte sur une espèce d'estrade et baragouine quelques mots. J'écoute pas, j'en ai rien a foutre.
Putain, il est bon ce p'tit jus d'o.

Y'a d'autres gamins paumés autour de moi, pas beaucoup, on doit être une dizaine. Ca pue la nonchalance et le je-m'en-foutisme. Y'a un gars qui a une putain de crête verte sur la tronche. Trop, trop stylé. J'remonte mes manches sur mes paumes avant d'croiser les bras dans mon gilet trop p'tit. Encore bien que j'ai pas de boobs, la tirette aurait explosé dans la gueule du chauve.
Chauve et borgne.
Pas d'chance.

Ça parle, ça parle, ça parle. Je gigote sur ma chaise, j'en ai marre. J'veux bouger. Putain, j'aurais du aller dehors, nique le froid, au moins j'serais pas restée statique.
Les gens s'activent tout à coup. Les pieds de chaises raclent le sol, les jeunes se lèvent. Moi pas.
J'pas l'impression que c'est fini, mais j'veux pas bouger.
Contradictoire ?
Ouais, de ouf.
Y'a une asperge blonde qui vient se planter devant moi avec ses yeux vitreux. (En vrai, elle est trop belle et ses yeux sont trop doux pour ce monde.) Je lui tend mon gobelet en carton vide : "Du jus d'orange." Sourire insolent au coin des lèvres, t'as choppé le gros lot ma p'tite Clover.

Zara si on lui demandait, était plutôt du genre humaniste, mais surtout optimiste (oui c'était une formule atrocement chiante on est tous d'accord là-dessus), mais en gros ça voulait dire qu'elle ne parlait clairement pas assez à ses semblables et passait trop de temps le nez dans les bouquins, et par conséquent, parvenait à maintenir une certaine foi en l'humanité qu'on ne pouvait que saluer. C'était donc pour ça qu'elle se pointait à la MJC du coin avec à peu près 5kg de bouquins pour sa thèse dans le sac, et en ayant en vue d'aider une gamine en décrochage scolaire.
Evidemment, elle était en retard, et le formateur – animateur (elle n'avait jamais trop su) lui fit les gros yeux, ce qu'elle ignora joyeusement, se dirigeant vers la seule gamine – une rouquine qui n'avait clairement pas terminé de grandir – qui ne s'était pas levée.

Et qui lui parla de jus d'orange, ce qui paraissait totalement incongru à Zara, parfaitement pas là pour ça.

« Hm ? Non merci, c'est gentil. Je m'appelle Zara. Bon tu as besoin d'aide en quelle matière ? »

Elle ramena une mèche de cheveux blonds derrière son oreille dans un geste mécanique, déposant son sac dans un bruit suspicieusement trop lourd par terre ; elle pouvait sans doute assommer un mec bien constitué avec ce sac-là.

High Rise

Jus D'orange Ft. Zara

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