The Masochism Tango
[TW : mention de suicide, homophobie, relation toxique, violences ]
( Dieu y es-tu ? ) // Les yeux étoilés rivés sur la reproduction d’un corps décharné, le fanatisme abrutissant, des règles datées, déformées pour convenir à la haine idiote des adeptes… Bienveillance de façade, offerte avec générosité tant que l’on remplit certaines cases. Et pour les autres ? Rejet et bûcher. Sermon meuglé à tut tête, le salut de l’âme donné sans consentement … Une violence aveugle déversée sous l’excuse de la paix. Loup vorace et meurtrier vêtue d’une peau soyeuse de mouton. Tant de contradictions, tant d’incompréhension de sa part. Avery n’avait jamais compris l’attrait pour un être céleste qui semblait bien se foutre de ce monde. D'un autre côté, l’humanité en avait fait des conneries ... Peut-être s’était-il lassé et la laissait se détruire d’elle-même ? Ses prières, elles étaient restées ignorées, les règles il les avaient respectés, cela ne l’avait pas protégé de la colère parentale. Foutue à la porte, appelée par des noms d’oiseaux pour une sexualité qu’il n’avait pas encore réalisés. Désintérêt grandissant pour la parole et la maison de Dieu, rictus de dégoût quand le sujet survient. Seul souvenir de cette époque de fanatisme forcé, une croix d’argent qui pend à son cou, souvenir de sa grand-mère. Seul membre familial à le considérer comme un être à part et non comme une copie d’un autre.
( Le Double ) // On dit que l’amour d’une mère est inconditionnel, cela est vrai, mais jamais on ne mentionne qu’une génitrice possède ses préférences sur les bénéficiaires de son amour. Avery en a pourtant fait les frais, cadet d’une gémellité, il était clair qu’il était le jumeau défavorisé. Jérémiah attirait l’attention telle la lumière s’accapare l’esprit des insectes en temps de pénombre. Ses intérêts et désirs primaient sur le reste, tout comme ses réussites. Avery n’était même plus étonné lorsqu’on l’oubliait dans un centre commercial… À force de vaines tentatives il finit par cesser d’être intéressant, à quoi bon dépenser tant d’énergie si cela n’écope que d’un regard fugace désintéressé avant de ramener la conversation sur le petit roi de la maisonnée ? Il ne comprit jamais pourquoi l’un et pas l’autre ? Nourrissons, ils étaient indissociables l’un de l’autre. Avery n’était que l’ombre de Jérémiah et son jumeau faisait en sorte de toujours obtenir l’attention, lorsque le cadet se prenait de passion pour quoi que ce soit, cet intérêt se voyait volé par le double qui le surpassait rapidement… Alors à quoi bon ? Avery prit l’habitude de ne s’intéresser à rien, de ne rien espérer, puis qu’importe ses rêves et désirs, le petit roi finirait par l’en déposséder. Incapable d’avoir sa propre individualité, la matrone ne lui offrant de l'attention que dans son obsession de les garder parfaitement identiques. Mettez-les face-à-face et c’est comme si l’un observait son reflet. Jérémiah ne dit rien alors que leur père perdait sa voix en hurlant sur Avery. Il était connu que rien ne restait secret dans ce quartier, pas même le baiser qu'Avery avait dû donner à un garçon lors d’une partie d’action ou vérité. Un simple jeu innocent, lèvres qui frôlent celles de l’autre, une fraction de seconde, trop succinctement pour appeler cela un baiser. Mais suffisant pour que l’étiquette “TAFIOLE” soit collée sur le front du cadet. Jérémiah lui avait volé son existence et alors qu’Avery lui demandait son aide, qu’il réclamait pour la première fois de sa vie un acte de son frère qui lui avait tant voler… Ce dernier ne fit rien… Avery se retrouva sur le trottoir, sans rien, le jumeau parfait ne se voyait plus entaché par son double médiocre … Avery coupa tout contact avec sa famille après des mots trop dur et des accusations de ramener le Sida dans la famille … Il fut surpris de recevoir un appel de sa mère peu après sa vingtaine. Impassible alors qu’elle lui annonçait le trépas de son double vorace. “Oh” était tout ce qui parvint à franchir ses lèvres à cette nouvelle. Ce n’est que lorsque la matrone finit par avouer à demi-mot que le petit roi si parfait avait attrapé le mal de pds, préférant mettre fin à ses jours plutôt que de vivre ainsi. Cruelle ou douce ironie ? Il ne saurait dire, en tous les cas un rire chaud et nerveux lui échappât à cette nouvelle. Le petit prince parfait qui sortait avec des filles et excellait en tout était tombé bien bas, frappé par l’accalmie… Jugement divin pour son comportement envers son cadet ? Caïn se déguisait-il en Abel durant toutes ces années ? Le seul reflet qu'Avery possédait à présent était celui renvoyé par le miroir … L’autre se retrouvait bouffé par les verres sous terre … Il n’y avait plus personne pour voler son identité, pour le surpasser … La copie amputée de son original devenait-elle la création unique ?
( Méfiance maladive ) // Impassibilité dérangeante, ennuyante pour beaucoup, difficile de lui décrocher un sourire ou une quelconque émotion. Quelques mots polis de convenance échangée avant qu’il ne s’éloigne dans la foule son verre à la main. Sentiments de malaise, de l’avoir fait royalement chier… Avery préfère ne s’attacher à personne et se révéler au strict minimum. Il ne fait plus confiance à l’humanité, il ne souhaite plus être blessé par ceux qu’il croyait. Ses parents qui le mirent dehors sans sourcilier, cet amant qui lui avait fait miroiter une relation durable, tout cela pour que le naïf qu’il était se porte garant de ses dettes… Avant de le quitter sans un mot. Le plus gerbant restant Orion-Charles … Son ami d’enfance en qui il avait toute confiance … Lui qui l’avait recueilli chez lui une fois mis dehors, lui qui l’avait aidé tant d’années… Il lui avait pardonné le mensonge sur sa mère, en permanent voyage avait-il dit, véridique en un sens, elle s’évadait en son esprit brisé. Mais sa carcasse restait pourrissante dans une des chambres de l’appartement. Avery avait pardonné, pensant que son ami ne voulait guère l’affliger de ce fardeau ou craignait qu’il ne se complaise en une certaine pitié … Il lui avait été reconnaissant de l’accueillir de nouveau suite à sa rupture douloureuse, son compte en banque dans le négatif … Il avait mal pris la façon dont son aîné avait payé ses dettes en lui collant le fait sous le nez, exigeant qu’il devienne infirmier pour prendre soin de sa mère … “Je ne peux croire personne d’autre que toi” avait-il argumenté … Manipulation nauséabonde… Fils d’araignée qui se collent à sa peau au fil des ans … Rendant toute possibilité de liberté de plus en plus flou. Incertitude, envie de lui donner le bénéfice du doute, amitié qui évolue, avant de se briser pour de bons. Avery n’accorde plus sa confiance, elle fut bien trop souvent bafouée. Il se contente de politesse et de bavardage anodin, prêtant garde à ne rien révéler qui pourrait lui nuire. Toujours entouré, toujours aux côtés du bourreau, mais seul. Mieux vaut cela que d’être mal accompagné ne dit-on pas ? Cela semble un peu trop tard pour lui.
( Poupée d'encre ) // La rupture, la fois de trop, les mots assassins… La confiance qu’il accordait à son ami d’enfance s’étiolait au fil du temps, mais son attachement, lié à son attirance pour Orion-Charles, le faisait se voiler la face. Mordre les lèvres, ravaler ses dires et ses avis à s’en étouffer. Mais il y a toujours une saloperie de trop n’est-ce pas ? Avery n’avait guère approuvé qu’Orion-Charles achète une œuvre d’art, cela peut paraître étrange, surtout en connaissant l’attrait du secrétaire pour l’art… Mais cela fait bien plus sens lorsque l’on découvre que ladite œuvre n’était autre qu’une jeune femme, de chair et d’os, bien vivante. Pièce maîtresse d’un tatoueur, recouverte entièrement d’encre, la voici dépossédé de son statut d’humain. Exhibé aux soirée, nue, victime des regards lubriques et critiques, impuissante, vulnérable… Devant la détresse de la jeune créature encrée, Avery fit face à son maître pour la première fois. Saisissant son manteau recouvrant le corps illustré. Clamant que cette mascarade sordide était close, emmenant l’ingénue loin de son bourreau. Retrouvailles tendues, venin gerbé dans sa gorge empoisonnant son cœur… Amitié qui avait germé et éclos durant tant d’années se voyant flétrir en une fraction de seconde. Envie de se barrer de claquer la porte de lui briser les dents et la mâchoire… Mais la toile d’araignée s’est changée en chaîne pesante… Impossibilité de le quitter, certitude qu’il l’aurait tué plutôt que de le laisser ... "Dès à présent, vous serez mon employeur, et je serais votre employé. Rien de plus, considérez notre amitié close dès cet instant monsieur."
( Carcasse vide ) // Il se donne des airs, il fait comme si rien ne l’atteignait et rien ne l’intéressait. Vielle habitude de son enfance, qu’il avait pourtant perdue lors de sa colocation avec Orion-charles, le gamin non-désiré qui redonnait confiance à l’oublier. Reconnaissance grandissante, le premier depuis longtemps qui le voyait et non la copie du petit roi. Confidences et partages, de ses secrets, ses envies et ses intérêts. Informations usées à son encontre le moment venu, les griffes qui s’insèrent sous sa peau, impression d’être dépossédé de soit de nouveau… Devenue pantin sans âme, tentative désespérée de se protéger, d’empêcher le riche bâtard de le blesser à nouveau. Vaine tentative, le salaud le connaissant déjà trop. Corps et âme qui se heurte à sa malice, peau qui se colore d’une palette de violet et de marrons, accompagné de touche de jaune. Essaye de garder la face, de ne pas lui offrir le plaisir de céder… Faible face à lui, le haït autant qu’il l’aime… Duo à présent indissociable en son cœur… Il ne saurait plus dire quel sentiment domine… Où même les différencier.
( Saint Luc ) // Ses études d’infirmier n’étaient guère de son fait, un nouveau choix qui ne lui appartient pas. Suite à la délestassions de ses dettes, Masterton avait exigé en contrepartie qu’il se face soignant pour subvenir aux besoins médicaux d’Elizabeth, l’enchaînant à leurs côtés… Même sans ce chantage Avery aurait sûrement accepté, ne sachant que faire de sa propre vie, n’ayant aucune ambition… Avoir une voix toute tracé qui lui permettait d’aider la mère de son ami lui convenait… Mais ce choix donné laissa un goût amer sur sa langue… Avery s’occupait de Madame Reynolds depuis qu’il avait découvert son état, c’était la moindre des choses pour être hébergé dans le logis du fils et de la mère… Il accepta tout de même, n’ayant guère le choix… Se disant que cela lui donnait une voie à suivre, qu’il pourrait, peut-être se rendre utile à d’autres. Rendre son existence moins insipide et inutile… Si, de prime à bord, il ne se serait jamais lancé de lui-même vers cette carrière… Il doit bien avouer qu’elle lui convient. Fascinante, ses années d’études bien qu’ardues lui prodiguèrent un enthousiasme qui lui était jusqu’alors étranger … Intérêt grandissant, motivation fleurissante, vocation trouvée de manière bien peu conventionnel. Un mal pour un bien ? Va savoir, surtout qu’il se fait bien plus homme à tout faire à devoir réaliser chaque désir et caprices de son bourreau qu’autre chose …
( Fra Angelico ) // Attrait certains pour l’art, germé dans son enfance alors qu’il préférait graver en sa mémoire les images de la bible au lieu de ses mots, qu’il observait chaque détail des peintures bibliques se noircissant sous la suie des bougies dans l’église du quartier au lieu de prêter attention au sermon vide de sens. Se plaît à visiter les musées et galeries, n’apprécie pas toujours l’envie de sensation de mauvais goût de l’art moderne. Admire tout artiste qu’il soit malgré tout, pour sa créativité, pour parvenir à créer quelques choses de ses mains, de sa voix ou de son esprit. Lui qui n’avait jamais fait que suivre le courant, il ne pouvait que féliciter cet entêtement à rendre son imaginaire tangible pour le commun des mortels.
( Neptūnus ) // L’une des rares disciplines ou Avery surpassait Jeremiah était la natation. L’eau lui a toujours permis de se vider l’esprit. Autant dire qu’il n’avait guère apprécié lorsque son jumeau s’était attribué les mérites de ses bons résultats. Étant impossible de les distinguer –merci bien maman !- et Avery étant connu comme le double médiocre… Personne n’avait contesté son mensonge pourtant maladroit et mal ficelé… Avery avait dû participer à une compétition sous le nom de Jeremiah… Il eut un plaisir jouissif à la foiré en beauté devant tout le gratin, premier échec du petit-roi qui avait hurlé son nom devant leurs parents. Comble de l’ironie s’était lui qui avait fini par se faire engueuler… Pas tant étonné que cela. Malgré cet incident, son double vorace n’avait pu lui retirer son amour de l’eau, il se fit simplement discret quant à ses capacités par la suite. La piscine présente au square est un attrait qui lui avait fait apprécier un peu le bâtiment, s’y rendant durant les heures de peu d’influence, les gens et leurs compagnies l’ennuyant profondément. Loin d’Orion-Charles, pouvant oublier un instant, s’échapper au temps et à ses maux… Malheureusement, il lui faut réduire ses visites à la piscine lorsque son corps est marqué, il ne peut se montrer ainsi. Problème qui le force à porter des cols roulés par tout temps… Accentuant son air de vampire blafard.
( Sodome ) // Vie de misère, incertitude de manger à sa faim chaque soir. Avery a vécu dans un quartier que l’on qualifiait de mal famé. Pour lui il n’était pas étonnant que l’une des voisines soit la concubine d’un chef de gang, qu’on lui glisse une pièce dans la main pour surveiller l’entrée d’une ruelle alors qu’il pouvait entendre l’écho des os se brisant au fond d’elle … Des illuminés à ne plus savoir quoi en faire dans ce quartier. La vielle gitane qui prédisait l’avenir, la voisine au fort accent allemand à l’esprit lunatique qu’il avait dut ramener chez elle une nuit froide alors qu’elle était dépourvue de vêtement, errant tel un spectre. Le ventriloque que les mères disaient d’éviter, la fille de joie aux paupières colorées d’arc-en-ciel qui lui offrait un chocolat chaud quand sa famille l’avait laissé seul, oubliant de le joindre à une des rares activités familiales. Qu’il est triste de penser que cet amas de malfrats formait une famille plus aimante et sincère que ceux dont il partageait le sang. De cette époque il préfère se souvenir de l’appartement parfumé de la goton, emplie de plume, coussins duveteux, rideaux de perles et un tas de grigris qu’elle devait chiner dans les brocantes, que cet appartement de sous-sol sombre qu’il devait nommer son foyer … La jolie dame avait trépassé sous les coups d’un client violent… Cette nouvelle avait arraché bien plus de tristesse à Avery que le suicide de son frère… Lorsqu’il sent un parfum sucré ressemblant à une pomme d’amour, il ne peut s’empêcher de penser à celle qui fut telle une grande sœur pour lui.
( Judas ) // Qu’il est pitoyable de voir sa vie tourner autour de celui qui vous détruis à petit feu. Quarante piges et il semble à Avery qu’il n’a rien accomplis … Il lui arrive de voir le fil de son existence s’effiler de son abdomen, se teintant de carmin alors qu’il tente de le retenir en vain … Depuis longtemps, il ressent ce sentiment d’a quoi bon ? Les années passent, rien ne s’arrange, rien ne se construit. Il n'est guère question de vouloir mettre un terme à ses jours, plutôt de ne pas voir d’échappatoire et t’attendre la fin sans tenter de s’en déroger. Patienter comme l’on attend une vielle amie qui s'est faite désirer. Un entre deux étrange de vide, de culpabilité et de terreur entre-loué d’apathie ou de bien-être. Ce sentiment n’est guère amélioré par le comportement d’Orion-Charles. L’impression de n’être qu’un objet qu’il trimbale avec lui par possessivité juvénile. La poupée d’encre d’antan ayant été remplacé par une poupée de chair. Mélancolie quotidienne qu’il noie avec un verre alcoolisé de temps à autre … Bien plus souvent qu’il ne veut l’admettre ou le reconnaître. Envie de partir, changer de nom, de l’abandonner lui et sa malice nauséabonde… culpabilité qui le prend aux tripes, terreur également bien qu’il tente de la cacher. Certitudes qu’il est bien trop brisé pour se soustraire à cette mécanique macabre qu’ils ont construit lui et le dragon au fil des ans. Marionnettes cassée incapable de retrouver le monde extérieur sans son marionnettiste pour la malmener. Dépendances malsaines, dédains et dégoûts, carmin qui tache les draps, rivière de sel qui creuse les joues. Mots tendres, discours sanglants, caresses et étranglement. Quotidien dissonant devenu d’une étrange banalité, impossibilité de s’imaginer ailleurs que dans l’ombre du Dragon.