High Rise

S’il ne se déplaçait plus avec des béquilles depuis sa chute survenue début Février, Elmer souffrait tout de même encore d’un certain problème d’équilibre qui ne lui permettait pas de se déplacer aussi vite qu’il l’aurait voulu. Pour quelqu’un d’habitué à courir, on en conviendra que c’était un problème de taille. Malgré tout il s’y était fait – il n’avait de toute façon pas le choix – et claudiqua légèrement jusqu’a la porte arrière des pompes funèbres qui venait de recevoir ses coups codés réglementaires.

« Hey. On dirait, oui. » répondit-il en voyant le visage fatigué de Leno.

Il s’effaça sans grâce de l’entrebâillement de la porte pour que le tueur à gages puisse pénétrer les lieux, jeta un coup d’œil à l’extérieur afin de vérifier que personne ne les avait vu et referma la porte à double tour dans un bruit feutré.

Les pompes funèbres étaient plongées dans des ténèbres sordides auxquelles Elmer s’était depuis habitué. Guidé par les loupiottes de secours, il indiqua le chemin à Leno.

« C’était quoi, celui-là ? »

« S’il avait eu une famille, j’imagine que tu aurais réglé ça. » répondit très simplement Elmer, qu’on connaissait ensoleillé le jour mais qui la nuit se murait dans l’indifférence respectueuse.

Il cachait des cadavres en permanence dans son four pour les faire disparaître et avait eu plusieurs fois l’occasion de voir disparaître des familles entières soit parce que tous les meurtres avaient été commandités en même temps soit parce que les nettoyeurs avaient vu certains d’entre eux s’interposer, se promener sur leur chemin pour les empêcher de mener à bien leur mission. Dans ce cas il s’agissait de supprimer les fauteurs de troubles : un bon témoin était un témoin mort, dans ce domaine.

« Tu t’es cru au bar ? » ricana Elmer, que la fatigue rendait sardonique. « Regarde dans l’armoire derrière, tu devrais trouver quelques trucs. »

Pour des raisons de sécurité, on interdisait les bouteilles d’alcool et un tas d’autres trucs dans les cercueils, ce qui n’empêchait pas aux gens de déposer quand même les dits objets interdits pour une raison qui leur était propre. Il suffisait alors à Elmer de retirer discrètement ces éléments malfaisants pour les caler dans une armoire dans le fond de la pièce et dont les étagères intérieures regorgeaient d’objets dangereux et donc fatalement d’alcool.

Le gars déposé sur la table, Elmer ouvrit le sac mortuaire – donc le sac poubelle – dans lequel Leno l’avait dissimulé et entreprit de vérifier ce que le cadavre avait sur lui. Leno ne l’avait pas encore dépouillé et ses poches étaient encore lourdes.

« T’as besoin de liquide ? » demanda-t-il en vidant un portefeuille sur la table.

@Léno Allen