High Rise

Il avait fallu qu'un client m'épuise pour le reste de la nuit. Cette ruelle était un peu mon quartier général dans ce Cube. J'y restais longtemps, j'y faisais mes ventes et j'y dormais même. Il était assez tard quand je décidais de m'asseoir contre le mur pour me reposer un peu. Mais quand j'entends du bruit, je reste sur mes gardes. On n'est pas à l'abri d'un assault d'un client mécontent ou... d'autre chose. Une voix s'élève, demandant si quelqu'un est présent. Je préfère me taire pour le moment, observer dans le noir, mes yeux s'étaient habitués à la noirceur de la nuit dans cette ruelle pas le moins du monde éclairée. Je bouge pour me relever, difficilement. Puis, une lueur faible apparaît et la voix se répète. Je soupire, agacé que l'on me dérange.

« Ouais. Je suis là. Mais j'ai plus rien alors tu peux passer ton chemin. » En général, les gens qui viennent dans cette ruelle savent pourquoi ils s'y trouvent. Je fouille dans mes poches, je serre mes doigts autour du manche de mon couteau bien camouflé. Sait-on jamais, je ne fais que lire dans les pensées des gens, après tout. Il faut bien que je me protège.

C'est qui, je ? C'est moi, évidemment. Mais si elle ne semble pas me connaître, qu'est-ce qu'elle fait là ? Les gens qui passent par là en général, ils savent où ils vont et qui ils vont voir. En l'occurrence, moi. Si elle ne me connaît pas, je n'ai probablement rien à craindre. Enfin, vu le pouvoir qu'elle semble posséder, je vais quand même continuer à me méfier.

La flamme arrive vers mon visage et je fixe mon regard sur le sien à travers l'obscurité. Elle s'explique, je hausse les sourcils. Est-ce que j'ai vraiment l'air d'être une menace ? Je suis encore affaibli, je n'aurais pas la force de la vaincre. Elle ne le sait pas - et c'est bien pour ça qu'elle a peur, de mon avis - mais mon seul pouvoir est de lire dans ses pensées, et je n'ai même pas la force de l'utiliser. « Très bien, je cherche pas la merde non plus, ça nous fait un point commun. » J'essaie de me détendre un instant. Je pose mon épaule contre le mur et je soupire lourdement en lui indiquant le nom de la rue. Je ne suis tout de même pas serein, mais peut-être que j'ai l'air moins menaçant ainsi. « Plus communément appelée : "la rue des drogués". T'as pas vraiment l'air éméchée. » Je souris faiblement, cherchant sa réaction. Je la teste un peu, je dois l'avouer. Et j'essaie de me concentrer pour connaître ses pensées.

Hors Jeu:

Je dois me concentrer assez fortement pour avoir ses pensées. Alors je ne réponds rien à ses premiers mots. Peu importe, éméchée ou pas. Elle ne devrait pas être là, je n'attendais personne et je comptais me reposer. En l'entendant hésiter, un sourire étire mes lèvres. Il s'étire davantage quand j'entends que je suis plutôt beau gosse et je me redresse même un peu pour faire mon coq. Mais bon, ça ne va me mener à rien... Ou peut-être... A un lit chaud si je décide de la raccompagner chez elle et qu'elle veut me remercier. Un lit. Ou un canapé. Moelleux. Avec des couvertures. Sa voix réelle me sort de mes pensées soudainement et mon regard, jusque là perdu dans le vide, se retrouve dans le sien. « Ouais. » Je réponds simplement en haussant les épaules.

En tant que dealer, j'ai pris l'habitude d'être évasif. Moins on en sait sur moi, mieux je me porte. Mais elle a l'air si innocente, enfin, plutôt bourrée et perdue, mais du coup ça la rend vulnérable. « Tu veux que je te raccompagne jusqu'à un endroit que tu connais ? Pour retrouver ton chemin. Je connais un peu les environs, si t'as atterri ici, ton point de départ ne doit pas être si loin. » J'essaie de la jouer fine, de la rassurer un max. Pas envie qu'elle fasse la téméraire, faut pas que j'oublie qu'elle a le don du feu et qu'elle peut me carboniser comme un poulet déplumé juste à le vouloir un peu trop fort.