High Rise

S.T.R.I.K.E

feat. who ? ☾

Journée de merde. Gens de merde. Taff de merde.
Y'a des moments dans la vie où toute patience nous abandonne. Où on sait qu'à la moindre frustration, on va vriller sévère. C'était une journée comme ça. Une où le client a ramené sa bouche une fois de trop. Marre de voir son visage hautain quémander plus de frites et balancer son verre de soda à côté de la poubelle juste pour avoir le plaisir de regarder quelqu'un d'autre ramasser ses déchets. Sérieusement. Marre de lire la condescendance de son regard parce que sa mère lui file plus d'argent de poche que le montant de ma paie le 2 du mois. Il suffit vraiment d'un seul abruti pour gâcher une journée, et comme je ne suis pas autorisée à lui mettre mon poing dans les dents : c'est la cabane qui prend.

Heureusement, le vent sifflait. Ça masquait un peu le bruit de mon pied sur le bois. J'allais lui faire la peau, à cette cabane. Elle allait devenir mon exutoire du soir. Adieu lattes, clous et vernis ! Vous allez bientôt connaître la fureur du meuf de 24 ans qui ne sait toujours pas comment gérer sa colère. Ouais, pitoyable, je sais. Mais on se démerde comme on peut. Et puis c'était ça ou noyer l'autre guignole dans une marre de Ketchup.

Une fois les premiers coups de pieds balancés, je sentis mon corps se détendre légèrement. Mon regard reluqua la bière que j'avais pris le temps de m'acheter, et qui m'attendais gentiment par terre. C'était la deuxième étape de la soirée. Et alors que je m'apprêtais à me tirer de cet habitacle qui m'avait permis d'évacuer la journée, je vis la tronche d'un invité indésirable dans l'encadrement de la porte. Mouvement de recule, gueule paniquée. Je m'attendais pas à voir quelqu'un ici, à mater.

Pire qu'un moulin, cet immeuble. Toujours un con pour vous faire sursauter.

S.T.R.I.K.E

feat. who ? ☾

En trois secondes seulement, mon assurance en pris un coup et je me sentis prise la main dans le sac, alors que bon, franchement, elle servait à rien cette cabane, c'était pas si grave que ça de lui coller deux trois coups, si ?
Je reluquai rapidement celui qui prenait presque toute la place. Caisse, le gars. Je l'avais déjà croisé quelques fois (une silhouette comme ça, ça ne s'oublie pas), sans jamais lancer plus qu'un "bonjour" - et encore, si j'étais bien lunée.

Je m'apprêtai à lui débiter tout un tas d'arguments légitimant mes coups et lui prouvant par une logique implacable que c'était pas la peine de prévenir qui que ce soit, mais le gars n'en avait visiblement rien à carrer. Tant mieux, parce qu'honnêtement, j'avais pas de thunes à perdre dans les réparations de ce trou à rat. Je le fixai quelques secondes en silence, histoire d'être sûre qu'il n'essayait pas de me la faire à l'envers, avant de lancer, blasée : « J'ai connu mieux ». Et, comme frappée par l'évidence, je poursuivis, un peu moins assurée : « J'espère que c'est pas toi le nouveau jardinier ! En même temps cet endroit était déjà pourri avant mon arrivée, promis, j'l'ai limite arrangé ». Quoi ? Pas crédible ? Ouais, bon, fallait peut-être pas pousser.

La bière toujours entre les mains, je finis par en boire une gorgée. Je me sentais quand même un peu con d'avoir vrillé devant un témoin, là, à moitié cachée dans une pauvre cabane abandonnée.

S.T.R.I.K.E

feat. who ? ☾

Je ne savais pas trop quoi penser de l'intrus. Enfin, "intrus" était un bien grand mot pour quelqu'un qui s'était juste pointé dans un endroit qui ne m'appartenait pas, mais sur le moment, c'était comme ça que je l'avais vécu. En tout cas, il avait l'honnêteté de reconnaître que cet endroit était pourri de naissance, et que je n'avais rien à voir avec sa détérioration. Ses mots m'arrachèrent d'ailleurs un sourire, chose assez difficile vu l'état dans lequel je me trouvais deux secondes plus tôt. Mais ouais, ça ne m'aurait pas étonné non plus qu'ils posent ça là pour le style. Après tout, il faut toujours un endroit un peu suspect pour souligner la qualité du reste (et là aussi, ils s'étaient bien plantés).

Toujours enfoncée dans la pénombre, j'avais pas vraiment envie de sortir d'ici. L'arrivée de ce type avait calmé mes nerfs, parce qu'il m'avait forcé à ouvrir la bouche et que, ô surprise, parler aide à évacuer, même lorsqu'il s'agit de répondre de la merde à un inconnu. La bière encore accrochée aux lèvres, il m'indiqua qu'il n'était pas le concierge -tant mieux, j'avais du retard sur mon loyer- avant d'ajouter une précision qui me figea sur place. Une araignée. Dans les cheveux. Je manquai de m'étouffer avec la gorgée de bière à demi avalée, et commençai à m'agiter salement. « SALOPERIE ! », mes deux mains se précipitèrent dans mes cheveux pour y virer l'intruse, qui devait sans doute piquer une crise à m'entendre hurler comme une sauvage. C'est alors qu'en plein milieu du combat, alors que j'étais sûre d'avoir l'ascendant sur la bête, je sentis quelque chose me glisser des mains. La bouteille en verre, tristement trop pleine pour mourir, s'envola vers la silhouette qui faisait le pied de grue devant la porte.
Oops.

Je stoppai net, les cheveux en bordel - mais certaine d'avoir triomphée, et le coeur en miette à l'idée d'avoir perdue un si précieux liquide. Mon regard attrapa celui du gars d'en face, attentif à sa réaction : « Euh... Déso, ça m'a échappé... ça va ? ». Il avait l'air sympa, et je comptais bien sur ça pour éviter l'esclandre.