High Rise

gars de la street


 
choyée depuis son plus jeune âge, eleonore voit le jour un matin de juin, alors que l'été commence à peine. deuxième enfant d'une famille reconnue et prometteuse, elle ne manque de rien, à l'instar de son aîné et de sa cadette. eliza et rex se font la promesse d'offrir la meilleure vie possible à leurs enfants lorsqu'ils viennent s'installer à chicago pour leurs carrières respectives. maman, elle est belle, grâcieuse, sophistiquée à souhait. papa, c'est l'acteur en vogue du moment, charismatique et un peu trop charmeur sur les bords. mais ils font fureur, leur mariage d'apparence parfait sous les feux des projecteurs. mais trop souvent, ils doivent se séparer, se déplacer et voguer de villes en pays. l'harmonie de leur idylle s'estompe au fil du temps, jusqu'à ce qu'ils décident de divorcer, pour le bien de tout le monde.

leo, elle a commencé à danser avant de savoir correctement marcher, alors qu'elle passait la majeure partie du temps à observer —ou plutôt admirer maman. elle n'a que quatre ans lorsqu'elle entre dans une école de danse classique, et ça devient le centre de son monde. des ami.es, elle s'en fait beaucoup, trop même, mais jamais pour les bonnes raisons. c'est en grandissant qu'elle s'en rend compte, qu'elle comprend que ce sont les mères de ses fausses amies qui ont poussées leurs bambines à devenir proche avec la fille de la célèbre eliza sawyer-webb, grande ballerine et du célibataire prisé rex webb. de gamine extravertie et sociable, elle devient plus méfiante, préférant la solitude aux faux-semblants. à quatorze ans, elle intègre la prestigieuse école de danse joffrey ballet, où elle passe l'intégralité de son adolescence dans le but de devenir comme maman, devenue professeur dans cette même académie après sa carrière grandiose.

elle ne connaît pas grand chose de la vie « normale », trop enfermée dans ce monde hermétique du ballet. elle fait partie de l'élite, constitue un groupe select de danseurs et danseuses, apparemment trop au-dessus des autres pour vivre leur vie comme bon leur semble. leur temps libre, ils le passent ensembles, que ce soit pour des vacances à l'autre bout du continent ou de simples soirées au pruple h, endroit qu'ils désignent comme leur petit secret inavouable, parce qu'il faut bien garder en tête que dans leur monde, la débauche n'a pas de place. et pourtant... c'est parfois parmi les plus grands que se passent les pires déboires. la drogue aide à garder le rythme, rester au top de sa forme même lorsque le corps ne suit plus. par miracle, elle a su s'en tenir éloigner, mais elle le doit à son entourage ayant toujours bien pris soin de garder un oeil sur elle.

sa drogue à elle, c'est autre chose. elle s'éreinte avec les hommes, ou plutôt avec un en particulier, celui-ci presque aussi dangereux qu'un sachet d'amphétamines. ça commence tôt, bien trop, alors qu'elle n'est encore qu'une adolescente à peine adulte, mais déjà mature. elle se sent irrémédiablement attiré par cet homme qu'elle croise trop souvent, mais se refuse de craquer, trop apeurée par un écart d'âge non négligeable qui pourrait d'abord faire jaser autour d'elle, tétanisée à l'idée que ses parents ne l'apprennent, qu'un quelconque rapprochement ne ternisse sa carrière en devenir et que celle-ci ne voit finalement pas le jour. alors, elle le repousse, encore et toujours, jusqu'à ce fameux soir où il prendra tout d'elle. que ce soit son corps —et sa virginité, son cœur, et même son âme. elle s'y perd, ne le regrette pas le moins du monde, mais y met fin dès le lendemain. elle coupe les ponts, préfère se concentrer sur la danse : unique but ultime de sa vie que de devenir ballerine, comme maman. elle ne connaît ensuite que de rares relations au cours de sa vie, qui ne durent jamais, faute à la possessivité d'un seul qui finira par l’imprégner sans qu’elle ne puisse y faire quoi que ce soit.

malgré son train de vie, elle reste proche du reste de sa famille, notamment de son père et de sa soeur, cette dernière ayant voulue partir vivre avec leur paternel à new-york. bien que de nombreuses différences les séparent, elles gardent le contact depuis tout ce temps et ce, naturellement. il ne se passe pas une journée sans qu'elles ne s'appellent ou s'envoient des messages, et elles essaient de se voir au minma deux fois par mois. son frère, au contraire, ne donne que le strict minimum en terme de nouvelles. parti depuis l'âge de dix-huit ans, il est retourné dans leur pays natal pour s'adonner à la vie australienne, surfer lover invétéré. total opposé de leo, il a préféré s'éloigner de la vie trop contraignante des webb pour vivre son rêve, choix respecté de tous.

après de nombreuses et longues années, des milliers d'heures d'entraînement, des tonnes de coups bas en tout genre et plus encore, elle parvient finalement à atteindre son plus grand rêve de gamine. elle obtient le rôle d'odette dans le ballet du lac des cygnes, première porte d'entrée dans le monde des grands. elle réussit à faire la fierté de maman ainsi que de toute la famille, de quoi lui donner la force de faire encore mieux, d'aller encore plus loin et d'être l'étoile numéro un partout. ça l'obsède, à tel point qu'elle en oublie le principal, aimer ce qu'elle fait. peu à peu, ses objectifs se voient brouiller par l'avidité, et elle voit toujours plus grand, trop grand. par chance, son partenaire se met en travers de sa passion malsaine, lui rappelant les raisons premières de pourquoi et comment elle en était arrivé là. ils obtiennent tous deux les rôles de roméo et juliette, qui sera le point de départ de leur propre carrière. leur duo devient incontournable, et ils brillent ensembles pendant presque cinq ans. jusqu'à ce que l'impensable ne se produise. jusqu'à ce qu'il ne la laisse tomber lors d'une représentation de casse-noisette qu'ils ont pourtant dansé par le passé. la magie s'éclate en milliers de morceaux lorsqu'il flanche lors d'un porté et que leurs corps s'écrasent contre le sol dans un bruit sourd.

le verdict est trop rapidement tombé à son goût, finalité à laquelle elle ne s'attendait pas. elle n'a pas voulu y croire, n'y croit toujours pas aujourd'hui. entorse ligamentaire du genoux ayant entraîné une rupture du ligament, qu'ils ont dit. elle ne pourra plus danser comme avant, qu'ils ont ajouté. elle a compris à cet instant que tout était terminé pour elle, alors que la danse et scène étaient devenues son monde, qu’elle vivait pleinement son rêve de jeune fille aux côtés d’un partenaire et meilleur ami. qu’aurait-elle pu demander de plus? sûrement un peu de clémence quant à son sort. en une fraction de secondes, elle perd tout. sa vie se voit brisée et elle s’effondre, parce que leo, elle ne connaît que ça. le ballet. on tente de lui promettre un poste à l’académie après sa rééducation, maman aujourd’hui directrice, afin d’apaiser la douleur de ne plus pouvoir danser un jour devant un public, mais ça ne fait qu’exacerber sa colère naissante. enragée d’avoir été laissé tomber ainsi, elle décide de mettre un terme à son amitié avec son ancien partenaire, dans le fond jalouse qu’il soit, lui, encore dans la capacité de continuer sa carrière. on lui loue maintenant un grand appartement non loin de l’académie, juste au cas où, dans cet immeuble tout frais aux promesses florissantes. tentative de calmer son courroux intarissable, sans grand succès. la rééducation promet encore de longues semaines parsemées de hauts et de bas, mais l’apprentissage du quotidien en dehors de la danse alors qu’elle se sent perdue est sans doute ce qu’elle appréhende le plus : vivre sans danser.