High Rise

04:08am qui s’affiche sur ta montre connectée, dernière folie grâcieusement offerte par Jules et Romeo après leur avoir rabâché les oreilles qu’il t’en fallait une pour faire ton sport, que tu ne prends même pas la peine de faire plus de dix minutes. Heureusement, ça fait stylé. Si le cas avait été contraire, tu les aurais poussé à faire cet achat pour presque rien. Mais soit, tu te dis que l’heure semble idéale pour sortir souffler un peu dehors, tes pensées trop agitées t’empêchant là de trouver le sommeil. Pour une fois, tes colocataires semblent, eux, plongés dans les bras de Morphée. Ces chanceux. T’enfiles donc un survêt’ au pif, pas trop excitée par l’idée de sortir en petit short et débardeur pour affronter le froid hivernal. Fake airpods vissés aux oreilles et téléphone bien chargé, tu t’roules un joint, et tu espères que c’est bien le dernier pour terminer cette longue nuit d’insomnie. Mais avec ta veine habituelle, t’es pratiquement certaine que tu pourras voir le soleil se lever, perché sur le toit du Square. Une fois fait, tu t’attardes pas plus longtemps et suis le chemin pour y accéder. Ascenceur qui te dépose au quarantième étage, et tu finis ton parcours par les escaliers, l’idée d’être un peu plus assidue pour faire un peu d’cardio te traversant l’esprit à ce moment. Ouais, mais pas maintenant. Tu inspires longuement en fermant tes yeux un instant, heureuse de trouver un temps soit peu de calme. Tu sais pas c’que peuvent foutrent les voisins du dessus, mais t’as cette fâcheuse impression qu’ils ne dorment jamais, toujours à foutre leur bordel et faire chier leur monde. Ici, mis à part le brouhaha ambiant de la ville, c’est silencieux, calme, et ça a un côté apaisant. Tu te diriges vers l’un des canapés généreusement apporté par un locataire du coin pour t’y installer, et ni une ni deux, tu allumes ton cylindré parfumé, première goulée de fumée que tu inhales avec plaisir avant de recracher ce nuage âcre dans les airs. Un toussotement te fait tout d’un coup sursauter, et tu tournes un regard noir vers l’objet de ta soudaine poussée de peur. Minime, cela dit, bien sûr. “Putain…” que tu laisses échapper dans un espèce de grognement. “T’es pas censé dormir, à cette heure là, toi?” Tu n’sais même pas à qui tu t’adresses comme ça, mais pour dire vrai, tu n’en as que faire. T’as largement passé l’heure de paraître un temps soit peu polie.

En général, lorsque tu montes par ici à une heure si tardive -ou matinale selon le point de vue, tu ne trouves pas grand monde. Ou du moins, rares sont les personnes totalement saines d’esprit qui vagabondent pour observer la ville, la plupart étant souvent bien trop défoncés pour apercevoir quoi que ce soit. Tu fais partie de ceux-là, ceux qui posent leur cul ici pour se mettre la tête à l’envers, mais avec le temps, t’as appris à rester consciente malgré les doses que tu fumes. Tu planes, c’est indéniable et ce serait mentir que de dire le contraire, mais t’as jamais compris ceux y allant tellement fort qu’ils finissent par terre, ivres morts. En revanche, celui non loin de toi semble plutôt clean au son de sa voix que tu devines dénuée de quelconque drogue ou alcool. Tu tournes le regard vers lui une seconde fois, sourcil haussé à sa question que tu ne piges pas dans un premier temps. Il tousse, et tu devines aisément que c’est de ta faute, sûrement que le type n’apprécie guère l’odeur de ton joint qui peut se trouver agressive  lorsque l’on y touche pas. Tu en tires donc une longue taffe, histoire de le savourer tout de même un peu, et tu le poses par terre pour le laisser s’éteindre tout seul. C’est là une preuve qu’il attise ta curiosité, et alors que tu te redresses, mains fourrées dans les poches, il te lance une phase d’approche à laquelle tu ne t’attendais absolument pas. Il te faut quelques secondes pour assimiler, et tu recraches la fumée âcre avec un rire prononcé. Tu ouvres grand les yeux, tente de tempérer du mieux que tu peux les effets de ta weed pour arrêter de rigoler. “Si je m’attendais à ça, alors…” réponds-tu, encore un peu hilare. Tu te permets de l’observer un peu plus en détail, curieuse de savoir à qui tu avais à faire. Dans l’immédiat, tu ne penses pas le connaître plus que ça, sûrement l’as-tu croisé ou une deux fois dans l’immeuble, mais t’es déjà contente de ne pas être tombée sur quelqu’un de trop creepy. Tête qui se penche brièvement sur le côté, et tu lui rends son sourire assez naturellement. “Si tu continues comme ça, j’vais me noyer dans ton regard et tu devras me faire du bouche à bouche...” glisses-tu dans une espèce de sifflement, amusée. Tu t’installes contre le dossier du canapé, sourire qui te ne quitte pas, comme greffé à tes lippes, et tu te fais violence pour ne pas reprendre ton cylindré entre tes doigts.