- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Smoked mood. | TPK
Dim 3 Jan - 17:56
18 décembre - 22h17 | 11e étage
Smoked mood.
TPK
Marion suivit avec dédain la courbe des lèvres de son interlocuteur quand il se fendit d’un sourire satisfait. Il ravala avec empressement l’envie de lui carrer son poing dans la gueule et, à son tour, grimaça un rictus commercial.
« 'plaisir de faire affaire avec vous ! »
L’homme renifla fort, comme pour se saouler de l’odeur de victoire dans laquelle il devait penser baigner. Il plia avec un soin tout particulier la maigre liasse de billets représentant plus d’un millier de dollars et la glissa dans la poche intérieure de sa veste à défaut de la caler directement dans son caleçon, bien au chaud sous les valseuses - son cerveau atrophié devait lui intimer de conserver un rien de la décence qui lui faisait déjà cruellement défaut. Dans un élan suicidaire, son égo ne l’étouffant pas, il tendit une pogne poisseuse au squelette qui se contenta de lever les yeux vers lui. Marion clappa sa langue fendue contre son palais, se lova plus confortablement dans son fauteuil et pinça sa cancéreuse entre ses lippes pour inspirer une longue bouffée supposée calmer son humeur massacrante. D’un signe du menton, il proposa à son invité de foutre le camp. Vite. Avant que l’envie de lui faire regretter d’avoir franchi le seuil du Naughty H pour lui réclamer de la thune ne se fasse ressentir.
Le type avait un certain culot, c’était indéniable, et une paire de couilles suffisamment grosse pour lui faire oublier son instinct de survie. Venir frapper à la porte d’un homme pour lui demander d’éponger la dette d’un membre de sa famille, c’était une chose ; souffler dans les bronches d’un proxénète pour lui demander de rembourser le pactole avec lequel sa sœur s’était tirée, c’en était une autre. Il eut cependant la clairvoyance de s'effacer.
La porte claqua quand l’importun s’en fut. Marion se pinça l’arête du nez, joua un instant avec les piercings qui la crevait et se leva finalement. Il écrasa le cul de sa cigarette dans un cendrier débordant déjà de cadavres de Gitanes, attrapa son cuir éreinté par les années et sortit de l’antre qui lui servait de bureau en grinçant des dents. Ses lippes tatouées ne tardèrent pas à accueillir une nouvelle sans filtre comme il dévalait l’escalier pour retourner au niveau principal du club. Maussade, il attrapa un homme de main, un deuxième, un dernier qui manqua s’étouffer sur sa pinte de bière lorsqu’on l’interpella, et leur maugréa quelque ordre de revanche : récupérer son dû, redécorer le bar façon Tsar Bomba, faire passer l’envie au type de rejouer les créanciers.
On s’activa en une fraction de seconde, les esprits comprenant immédiatement que le maître des lieux n’était pas d’humeur à attendre. La patience était une vertu inconnue au mort-vivant ; à bientôt quarante ans, il ne voyait plus l’utilité de l’acquérir. Les affaires tournaient de toute manière sans qu’il ait besoin de revoir son comportement, Gene compensant ses travers.
En un tour de bras, l’homme s’enfila un verre de rhum et son éternel blouson noir, attrapa son téléphone et composa un numéro qu’il connaissait sur le bout des doigts. Sans surprise, la tentative de communication se solda en échec, ajoutant davantage à son aigreur du soir.
Il lui fallut une demi-douzaine de coups de fil, quatre courses aux extrêmes de la ville et trois longues heures pour qu’enfin on lui fournisse l’adresse où devait se finir sa quête. La peste qui lui servait de cadette avait un don hors du commun pour s’évaporer dans la nature, disparaître de la surface de cette foutue planète sans laisser de traces. Elle était si petite et si frêle qu’elle était d’une simplicité déconcertante à cacher. La Puce aurait pu se dissimuler derrière un rayon de soleil. Mais par chance, l’astre du jour se faisait rare ces dernières semaines à Chicago, facilitant les recherches. Le ciel se contentait de leur pisser à la gueule depuis quelques temps.
Les balais d’essuie-glace battaient un rythme endiablé quand la Mustang s’immobilisa devant un immeuble décrépi des quartiers sud. C’en avait bien valu la peine, de griller de l’essence d’un bout à l’autre de la ville pour revenir à son point de départ. Marion claqua la portière de sa tire avec une violence qui trahissait son énervement, lui qui d’ordinaire se montrait si doux avec une voiture qu’il avait mis des années à retaper. Il avisa les étages du Square avant de s’y engouffrer, tenta de se remémorer à quel palier il lui faudrait s’arrêter et gravit les marches quatre à quatre, trempé comme un chien, son cuir dégoulinant.
La porte manqua se briser en deux tant il y tambourina. De l’autre côté, un bruit de pas pressé suivi de chuchotements peu discrets lui laissèrent entendre qu’il approchait considérablement le Graal. Le chauve fit un pas en arrière en attendant qu’on vienne lui ouvrir, sa patience inexistante mise à rude épreuve. Il résolut d’allumer un nouveau clou de cercueil durant les trois secondes qu’il fallut à une petite blonde aux orbes noirs pour entrouvrir le vantail. Elle passa le nez par l'entrebâillement et leva ses jolis yeux au ciel en reconnaissant le cauchemar ambulant qui se trouvait dans son couloir.
« Qu’est-ce que tu veux ?
- Putain t’as déjà été plus accueillante que ça.
- J’ai pas de temps à t’accorder, rétorqua la jeune femme, je dois me préparer.
- Oh, pardon, tu sors ? T’en fais pas, va ! Il me faudra pas plus de cinq secondes pour la récupérer, maugréa-t-il sur sa cigarette.
- Elle est pas là. »
La blondasse croisa les bras sous sa poitrine, visiblement résolue à ne pas le laisser entrer. Marion lui souffla une épaisse colonne de fumée au visage en crachant :
« Je suis pas d’humeur à ce qu’on me broie les couilles. »
Il repoussa brusquement le panneau de bois, manquant l’écraser dans le nez de la gamine qui le retint de justesse, et entra en trombe comme la tornade qu’il était. Ses pas lourds et pressés le menèrent en moins d’une seconde jusqu’au cœur de l’habitation, un salon à peine plus grand qu’une boîte de conserve où tenaient difficilement un canapé usé, une télévision disproportionnée et une petite cuisine qui n’avait visiblement pas vu de ravalement de façade depuis une quarantaine d’années. Marion fit un rapide tour d’horizon ; ses orbes mauvais accrochèrent la porte de la chambre à coucher qu’il ouvrit à la volée.
Son cœur rouillé faillit lui remonter dans la gorge et l’asphyxier quand il découvrit le visage émacié de Charles. Elle n’avait jamais été bien épaisse, mais la maigreur semblait creuser ses traits plus qu’à leur dernière rencontre.
Le proxénète tapota sa sans-filtre pour faire tomber les cendres qui s’étaient accumulées à son extrémité sans se soucier de la moquette au sol. Il la dégueulassait déjà de ses grolles trempées, un peu plus un peu moins ...
« Puce, souffla-t-il avec un contrôle qu’il ne se connaissait qu’avec elle. »
S’adressant à la blonde qu’il sentait à un mètre à peine de lui, son souffle lui caressant presque la nuque, il aboya plus qu’il réclama un peu d’intimité.
« 'plaisir de faire affaire avec vous ! »
L’homme renifla fort, comme pour se saouler de l’odeur de victoire dans laquelle il devait penser baigner. Il plia avec un soin tout particulier la maigre liasse de billets représentant plus d’un millier de dollars et la glissa dans la poche intérieure de sa veste à défaut de la caler directement dans son caleçon, bien au chaud sous les valseuses - son cerveau atrophié devait lui intimer de conserver un rien de la décence qui lui faisait déjà cruellement défaut. Dans un élan suicidaire, son égo ne l’étouffant pas, il tendit une pogne poisseuse au squelette qui se contenta de lever les yeux vers lui. Marion clappa sa langue fendue contre son palais, se lova plus confortablement dans son fauteuil et pinça sa cancéreuse entre ses lippes pour inspirer une longue bouffée supposée calmer son humeur massacrante. D’un signe du menton, il proposa à son invité de foutre le camp. Vite. Avant que l’envie de lui faire regretter d’avoir franchi le seuil du Naughty H pour lui réclamer de la thune ne se fasse ressentir.
Le type avait un certain culot, c’était indéniable, et une paire de couilles suffisamment grosse pour lui faire oublier son instinct de survie. Venir frapper à la porte d’un homme pour lui demander d’éponger la dette d’un membre de sa famille, c’était une chose ; souffler dans les bronches d’un proxénète pour lui demander de rembourser le pactole avec lequel sa sœur s’était tirée, c’en était une autre. Il eut cependant la clairvoyance de s'effacer.
La porte claqua quand l’importun s’en fut. Marion se pinça l’arête du nez, joua un instant avec les piercings qui la crevait et se leva finalement. Il écrasa le cul de sa cigarette dans un cendrier débordant déjà de cadavres de Gitanes, attrapa son cuir éreinté par les années et sortit de l’antre qui lui servait de bureau en grinçant des dents. Ses lippes tatouées ne tardèrent pas à accueillir une nouvelle sans filtre comme il dévalait l’escalier pour retourner au niveau principal du club. Maussade, il attrapa un homme de main, un deuxième, un dernier qui manqua s’étouffer sur sa pinte de bière lorsqu’on l’interpella, et leur maugréa quelque ordre de revanche : récupérer son dû, redécorer le bar façon Tsar Bomba, faire passer l’envie au type de rejouer les créanciers.
On s’activa en une fraction de seconde, les esprits comprenant immédiatement que le maître des lieux n’était pas d’humeur à attendre. La patience était une vertu inconnue au mort-vivant ; à bientôt quarante ans, il ne voyait plus l’utilité de l’acquérir. Les affaires tournaient de toute manière sans qu’il ait besoin de revoir son comportement, Gene compensant ses travers.
En un tour de bras, l’homme s’enfila un verre de rhum et son éternel blouson noir, attrapa son téléphone et composa un numéro qu’il connaissait sur le bout des doigts. Sans surprise, la tentative de communication se solda en échec, ajoutant davantage à son aigreur du soir.
Il lui fallut une demi-douzaine de coups de fil, quatre courses aux extrêmes de la ville et trois longues heures pour qu’enfin on lui fournisse l’adresse où devait se finir sa quête. La peste qui lui servait de cadette avait un don hors du commun pour s’évaporer dans la nature, disparaître de la surface de cette foutue planète sans laisser de traces. Elle était si petite et si frêle qu’elle était d’une simplicité déconcertante à cacher. La Puce aurait pu se dissimuler derrière un rayon de soleil. Mais par chance, l’astre du jour se faisait rare ces dernières semaines à Chicago, facilitant les recherches. Le ciel se contentait de leur pisser à la gueule depuis quelques temps.
Les balais d’essuie-glace battaient un rythme endiablé quand la Mustang s’immobilisa devant un immeuble décrépi des quartiers sud. C’en avait bien valu la peine, de griller de l’essence d’un bout à l’autre de la ville pour revenir à son point de départ. Marion claqua la portière de sa tire avec une violence qui trahissait son énervement, lui qui d’ordinaire se montrait si doux avec une voiture qu’il avait mis des années à retaper. Il avisa les étages du Square avant de s’y engouffrer, tenta de se remémorer à quel palier il lui faudrait s’arrêter et gravit les marches quatre à quatre, trempé comme un chien, son cuir dégoulinant.
La porte manqua se briser en deux tant il y tambourina. De l’autre côté, un bruit de pas pressé suivi de chuchotements peu discrets lui laissèrent entendre qu’il approchait considérablement le Graal. Le chauve fit un pas en arrière en attendant qu’on vienne lui ouvrir, sa patience inexistante mise à rude épreuve. Il résolut d’allumer un nouveau clou de cercueil durant les trois secondes qu’il fallut à une petite blonde aux orbes noirs pour entrouvrir le vantail. Elle passa le nez par l'entrebâillement et leva ses jolis yeux au ciel en reconnaissant le cauchemar ambulant qui se trouvait dans son couloir.
« Qu’est-ce que tu veux ?
- Putain t’as déjà été plus accueillante que ça.
- J’ai pas de temps à t’accorder, rétorqua la jeune femme, je dois me préparer.
- Oh, pardon, tu sors ? T’en fais pas, va ! Il me faudra pas plus de cinq secondes pour la récupérer, maugréa-t-il sur sa cigarette.
- Elle est pas là. »
La blondasse croisa les bras sous sa poitrine, visiblement résolue à ne pas le laisser entrer. Marion lui souffla une épaisse colonne de fumée au visage en crachant :
« Je suis pas d’humeur à ce qu’on me broie les couilles. »
Il repoussa brusquement le panneau de bois, manquant l’écraser dans le nez de la gamine qui le retint de justesse, et entra en trombe comme la tornade qu’il était. Ses pas lourds et pressés le menèrent en moins d’une seconde jusqu’au cœur de l’habitation, un salon à peine plus grand qu’une boîte de conserve où tenaient difficilement un canapé usé, une télévision disproportionnée et une petite cuisine qui n’avait visiblement pas vu de ravalement de façade depuis une quarantaine d’années. Marion fit un rapide tour d’horizon ; ses orbes mauvais accrochèrent la porte de la chambre à coucher qu’il ouvrit à la volée.
Son cœur rouillé faillit lui remonter dans la gorge et l’asphyxier quand il découvrit le visage émacié de Charles. Elle n’avait jamais été bien épaisse, mais la maigreur semblait creuser ses traits plus qu’à leur dernière rencontre.
Le proxénète tapota sa sans-filtre pour faire tomber les cendres qui s’étaient accumulées à son extrémité sans se soucier de la moquette au sol. Il la dégueulassait déjà de ses grolles trempées, un peu plus un peu moins ...
« Puce, souffla-t-il avec un contrôle qu’il ne se connaissait qu’avec elle. »
S’adressant à la blonde qu’il sentait à un mètre à peine de lui, son souffle lui caressant presque la nuque, il aboya plus qu’il réclama un peu d’intimité.
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Dim 3 Jan - 18:02
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 13:21
Leur hôte, suffisamment intelligente pour savoir qu’il valait mieux ne pas se tenir à proximité de l’orage qui grondait, se retira dans un soupir rempli d’injures auxquelles l’homme ne prêta guère attention. Il était bien trop habitué à ce qu’on le congratule de tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables pour s’offusquer de ces quelques insultes, et Hailey lui en avait déjà servi d’autres.
La Puce s’anima lorsque son amie fut à bonne distance. Elle attrapa un coussin qu’elle tordit entre ses bras maigrelets et, comme un chiot qui apprenait à aboyer, couina :
« Qu’est-ce que tu fous là ? »
Les yeux glauques de Marion se fichèrent dans ceux de sa sœur. Il avait tendance à oublier comme elle ressemblait à leur génitrice. L’évidence lui sauta à la gueule à cet instant précis, réveillant une rancœur qui n’était pas destinée à la gamine. Elle était jolie, la Puce, comme avait pu l’être Holly avant que la drogue, les coups et le karma ne s’attaquent à la douceur de ses traits. Lui n’avait pas eu cette chance. Le trentenaire n’avait jamais été particulièrement beau, plus jeune. Plutôt quelconque, en réalité, il avait dû hériter tout ce qu’il y avait de plus laid dans le visage de leur mère, lui offrant la caractéristique toute particulière d’être son portrait craché, l’harmonie et l’esthétisme en moins. Dieu seul savait à quel point il avait détesté le reflet que lui crachait le miroir chaque fois qu’il se regardait dedans avant que l’encre ne ronge l’intégralité de sa peau. Avant qu’il ne dépense une fortune pour se défaire des traits maternels. Il s’était empressé de les faire recouvrir, à défaut de pouvoir les arracher, et pouvait se targuer aujourd’hui de ne ressembler à rien d’autre que lui : un monstre. Une œuvre d’art mouvante, suffisamment bien exécutée pour être belle, encore assez terrible pour être repoussante.
« Oh pardon, je devrais plutôt dire: Qu’est-ce que j’ai encore fait pour que tu daignes te déplacer pour venir me voir ? »
Le masque de Camarde du tatoué se fendit d’un rictus désagréable. Il inspira une longue bouffée de Gitane, ravalant le besoin pressant qui lui chatouillait les entrailles de la défenestrer pour ne pas avoir à la traîner de force dans l’escalier jusqu’à sa voiture.
« Ça me fait plaisir de te voir également. Stew va bien, le chien aussi, merci de t’en inquiéter. »
Il ne se rappelait pas la dernière fois qu’il lui avait parlé. Ou plutôt, il se souvenait parfaitement de leur conversation, mais était incapable de la replacer chronologiquement. Elle lui avait manqué, si bien qu’une semaine sans voir son minois pouvait sembler une éternité. Et des éternités, Marion en avait subi un paquet ces dernières années. La Puce avait passé tant de temps à grandir sans lui … Il n’avait pas vu le jour où elle avait arrêté d’être son bébé pour devenir une petite conne effrontée qu’il n’avait pas le droit de gifler pour lui remettre les idées en place. L’envie le démangeait pourtant ; les fourmis se faisaient plus nombreuses que jamais au creux de sa paume.
« J’ai rencontré ton patron aujourd’hui, lança-t-il pour se distraire. Un type charmant, vraiment … Il m’a sympathiquement proposé de me soulager d’un bon millier de ronds. »
Une seconde passa, le temps de laisser le loisir à Charles de comprendre tout ce que cette annonce impliquait. La colère qui grondait et qui transparaissait dans ses mots n’était rien face à la déception qu’il ressentait. Cette fichue déception d’avoir toujours et encore à ramasser les pots cassés pour une enfant incapable de grandir, incapable de se comporter décemment. En adulte. Elle réclamait pourtant qu’on la respecte, qu’on la traite comme la grande personne qu’elle disait être. La Puce se voulait responsable quand elle n’était pas même capable de garder un emploi et un toit sur sa tête.
Il claqua sèchement, de sa voix rauque éternellement imbibée de tabac et d’alcool :
« La prochaine fois que tu tires de l’argent à quelqu’un, fais en sorte que ça soit à une blonde bien foutue, histoire que je puisse au moins prendre mon pied quand je me fais baiser par ta faute. Marion désigna le coussin : lâche ça et ramasse tes affaires. On y va. »
La Puce s’anima lorsque son amie fut à bonne distance. Elle attrapa un coussin qu’elle tordit entre ses bras maigrelets et, comme un chiot qui apprenait à aboyer, couina :
« Qu’est-ce que tu fous là ? »
Les yeux glauques de Marion se fichèrent dans ceux de sa sœur. Il avait tendance à oublier comme elle ressemblait à leur génitrice. L’évidence lui sauta à la gueule à cet instant précis, réveillant une rancœur qui n’était pas destinée à la gamine. Elle était jolie, la Puce, comme avait pu l’être Holly avant que la drogue, les coups et le karma ne s’attaquent à la douceur de ses traits. Lui n’avait pas eu cette chance. Le trentenaire n’avait jamais été particulièrement beau, plus jeune. Plutôt quelconque, en réalité, il avait dû hériter tout ce qu’il y avait de plus laid dans le visage de leur mère, lui offrant la caractéristique toute particulière d’être son portrait craché, l’harmonie et l’esthétisme en moins. Dieu seul savait à quel point il avait détesté le reflet que lui crachait le miroir chaque fois qu’il se regardait dedans avant que l’encre ne ronge l’intégralité de sa peau. Avant qu’il ne dépense une fortune pour se défaire des traits maternels. Il s’était empressé de les faire recouvrir, à défaut de pouvoir les arracher, et pouvait se targuer aujourd’hui de ne ressembler à rien d’autre que lui : un monstre. Une œuvre d’art mouvante, suffisamment bien exécutée pour être belle, encore assez terrible pour être repoussante.
« Oh pardon, je devrais plutôt dire: Qu’est-ce que j’ai encore fait pour que tu daignes te déplacer pour venir me voir ? »
Le masque de Camarde du tatoué se fendit d’un rictus désagréable. Il inspira une longue bouffée de Gitane, ravalant le besoin pressant qui lui chatouillait les entrailles de la défenestrer pour ne pas avoir à la traîner de force dans l’escalier jusqu’à sa voiture.
« Ça me fait plaisir de te voir également. Stew va bien, le chien aussi, merci de t’en inquiéter. »
Il ne se rappelait pas la dernière fois qu’il lui avait parlé. Ou plutôt, il se souvenait parfaitement de leur conversation, mais était incapable de la replacer chronologiquement. Elle lui avait manqué, si bien qu’une semaine sans voir son minois pouvait sembler une éternité. Et des éternités, Marion en avait subi un paquet ces dernières années. La Puce avait passé tant de temps à grandir sans lui … Il n’avait pas vu le jour où elle avait arrêté d’être son bébé pour devenir une petite conne effrontée qu’il n’avait pas le droit de gifler pour lui remettre les idées en place. L’envie le démangeait pourtant ; les fourmis se faisaient plus nombreuses que jamais au creux de sa paume.
« J’ai rencontré ton patron aujourd’hui, lança-t-il pour se distraire. Un type charmant, vraiment … Il m’a sympathiquement proposé de me soulager d’un bon millier de ronds. »
Une seconde passa, le temps de laisser le loisir à Charles de comprendre tout ce que cette annonce impliquait. La colère qui grondait et qui transparaissait dans ses mots n’était rien face à la déception qu’il ressentait. Cette fichue déception d’avoir toujours et encore à ramasser les pots cassés pour une enfant incapable de grandir, incapable de se comporter décemment. En adulte. Elle réclamait pourtant qu’on la respecte, qu’on la traite comme la grande personne qu’elle disait être. La Puce se voulait responsable quand elle n’était pas même capable de garder un emploi et un toit sur sa tête.
Il claqua sèchement, de sa voix rauque éternellement imbibée de tabac et d’alcool :
« La prochaine fois que tu tires de l’argent à quelqu’un, fais en sorte que ça soit à une blonde bien foutue, histoire que je puisse au moins prendre mon pied quand je me fais baiser par ta faute. Marion désigna le coussin : lâche ça et ramasse tes affaires. On y va. »
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 13:26
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 13:46
Marion passa sa langue fendue sur ses lèvres avant d’y loger sa cigarette. Maussade, sa mâchoire crispée trahissait l’amertume qui pulsait dans ses veines. Il avait fréquemment l’air en rogne, ces derniers temps ; le voir serrer les dents n’avait donc rien d’inhabituel, surtout lorsqu’on lui faisait cracher l’argent durement gagné par ses filles. Le sang-froid dont il faisait preuve et la hargne qu’il mettait à se contrôler pour ne pas démolir le petit bout d’être devant ses prunelles, en revanche, étaient bien plus rares. Il ne les réservait qu’à sa demi-sœur. Tout autre radasse - ou couillon muni d’un service trois pièces, il ne faisait pas de distinction dans ses moments de rage - aurait déjà fait les frais de son humeur : un crâne fracassé à coups de poings, un corps jeté dans l’un des lacs ou ruisseaux qui crevaient le sol de Chicago, un appartement saccagé pour apprendre à la blondasse qui se serait permis de la recueillir qu’on ne refusait pas l’entrée à un homme comme lui. La Puce n’avait de chance que celle d’être chère à son cœur, puisque le nom de famille qui les rattachaient l’un à l’autre n’avait aucune importance à ses yeux. Il avait démoli Holly sans le moindre remord, il aurait pu la briser également.
Contre toute attente, alors même qu’il s’attendait à entendre sa cadette brailler, piailler qu’il n’était qu’un connard dont elle n’avait pas besoin, qu’elle était assez grande pour se débrouiller seule et n’avait pas de comptes à lui rendre, Charlie s’exécuta. Ses grands yeux mouillés se baissèrent comme ceux d’un chien qu’on réprimandait, et elle se leva. Plus silencieuse qu’elle ne l’avait jamais été, elle rassembla ses affaires, passa son sac sur ses épaules trop frêles et quitta la chambre sans autre forme de procès en lui emboîtant le pas.
Hailey s’agita quelque peu, lança un regard assassin à Marion quand il écrasa son mégot sur un bras de canapé au passage, et un autre, inquiet, à sa petite ombre. Cette dernière ne pipa mot, se contentant d’un vague signe de la main pour s’excuser de son départ et peut-être même d’exister, d’avoir dérangé le calme qui régnait dans l’appartement en y apportant une tempête. Le tatoué estimait pourtant qu’il avait su faire preuve de calme et de diplomatie, un comportement pour le moins encouragé par la docilité de la Puce.
Ils n’étaient pas encore sortis du Square qu’une voix hésitante s’élevait derrière lui. Le proxénète pivota sur ses talons et fit deux pas pour réduire les quelques mètres qui les séparaient.
« Je suis désolée Marion… Je pensais pas qu’il viendrait te voir, je savais même pas qu’il savait que tu étais mon frère. Je comptais le rembourser en plus. »
Un soupir mauvais souleva ses épaules. Avec quoi comptait-elle rembourser son ancien patron ? L’argent qu’il avait déposé durant des années sur un compte bancaire à son nom et qu’elle s’était empressé de laisser à son précédent petit ami ? Marion doutait que le type soit enclin à prendre les larmes comme moyen de paiement, et il ne voulait pas imaginer qu’elle fût assez désespérée pour se servir de son cul pour éponger ses dettes. Ou plutôt, il espérait que ce réflexe de survie n’était pas héréditaire.
« Je vais te redonner l’argent. »
La gamine fouilla nerveusement une petite trousse qui devait renfermer le peu d’économies qui lui restaient. Elle tendit, déconfite, une poignée de dollars, à peine de quoi vivre quelques jours dans cette ville de merde.
« Je te donnerai le reste plus tard, ça te va ? Je devrais avoir la paie de l’école dans pas longtemps et je fais du babysitting dans trois jours, ça pourrait déjà rembourser une partie de ma dette. »
La Puce releva deux billes encore humides vers son frère. Il lui arracha la petite liasse des doigts alors qu’elle s’excusait à nouveau et enfouit le maigre pactole dans son cuir, soustrayant mentalement la somme à celle qu’il avait dû débourser pour se débarrasser du créancier. Le squelette lui agrippa l’épaule pour la pousser vers l’avant, la sortie, la pluie qui battait toujours et encore le pavé. Il la conduisit rapidement vers la voiture, ses griffes plantées dans ses os, ouvrit la portière passager, la jeta à la place du mort et contourna le nez de la Boss pour s’enfoncer à son tour dans l’habitacle.
« De quelle école tu parles ? »
Son ton sec frappa sourdement les vitres. Il passa une main sur son crâne pour le débarrasser des gouttes qui y perlaient, fouilla ses poches à la recherche de la clé, enfonça le précieux sésame dans le contact mais s’interrompit avant de réanimer le moteur. Le mort-vivant fixa le vague un instant, le pare-brise martelé de trombes d’eau, une pensée crasse filant entre ses deux oreilles. Les narines dilatées, la mâchoire proche de se briser tant il serrait les crocs, il ordonna :
« Relève tes manches. »
Et comme elle ne s’exécutait pas assez rapidement, il lui saisit le poignet, le tordit dans sa direction et attrapa le tissu qui recouvrait sa peau diaphane pour le faire glisser au-delà du coude. Le regard inquisiteur de Marion remonta chaque veine qui crevait l’épiderme, cherchant le signe quelconque de l’endroit où pouvait bien passer l’argent de sa sœur. Il ne trouva pourtant pas de trou. Pas de bleu. Pas de petit vaisseau éclaté sous la pression d’une seringue, aussi la relâcha-t-il avec autant de violence qu'il l'avait attrapée. Il planta un regard teinté de pitié et de dégoût dans ses prunelles si claires.
« Tu fais quoi de ta thune ? Tu te refais la cloison nasale ? Oxy ? Fentanyl ? Putain t’es tellement maigre qu’on a l’impression que tu vas tomber en morceaux. »
Contre toute attente, alors même qu’il s’attendait à entendre sa cadette brailler, piailler qu’il n’était qu’un connard dont elle n’avait pas besoin, qu’elle était assez grande pour se débrouiller seule et n’avait pas de comptes à lui rendre, Charlie s’exécuta. Ses grands yeux mouillés se baissèrent comme ceux d’un chien qu’on réprimandait, et elle se leva. Plus silencieuse qu’elle ne l’avait jamais été, elle rassembla ses affaires, passa son sac sur ses épaules trop frêles et quitta la chambre sans autre forme de procès en lui emboîtant le pas.
Hailey s’agita quelque peu, lança un regard assassin à Marion quand il écrasa son mégot sur un bras de canapé au passage, et un autre, inquiet, à sa petite ombre. Cette dernière ne pipa mot, se contentant d’un vague signe de la main pour s’excuser de son départ et peut-être même d’exister, d’avoir dérangé le calme qui régnait dans l’appartement en y apportant une tempête. Le tatoué estimait pourtant qu’il avait su faire preuve de calme et de diplomatie, un comportement pour le moins encouragé par la docilité de la Puce.
Ils n’étaient pas encore sortis du Square qu’une voix hésitante s’élevait derrière lui. Le proxénète pivota sur ses talons et fit deux pas pour réduire les quelques mètres qui les séparaient.
« Je suis désolée Marion… Je pensais pas qu’il viendrait te voir, je savais même pas qu’il savait que tu étais mon frère. Je comptais le rembourser en plus. »
Un soupir mauvais souleva ses épaules. Avec quoi comptait-elle rembourser son ancien patron ? L’argent qu’il avait déposé durant des années sur un compte bancaire à son nom et qu’elle s’était empressé de laisser à son précédent petit ami ? Marion doutait que le type soit enclin à prendre les larmes comme moyen de paiement, et il ne voulait pas imaginer qu’elle fût assez désespérée pour se servir de son cul pour éponger ses dettes. Ou plutôt, il espérait que ce réflexe de survie n’était pas héréditaire.
« Je vais te redonner l’argent. »
La gamine fouilla nerveusement une petite trousse qui devait renfermer le peu d’économies qui lui restaient. Elle tendit, déconfite, une poignée de dollars, à peine de quoi vivre quelques jours dans cette ville de merde.
« Je te donnerai le reste plus tard, ça te va ? Je devrais avoir la paie de l’école dans pas longtemps et je fais du babysitting dans trois jours, ça pourrait déjà rembourser une partie de ma dette. »
La Puce releva deux billes encore humides vers son frère. Il lui arracha la petite liasse des doigts alors qu’elle s’excusait à nouveau et enfouit le maigre pactole dans son cuir, soustrayant mentalement la somme à celle qu’il avait dû débourser pour se débarrasser du créancier. Le squelette lui agrippa l’épaule pour la pousser vers l’avant, la sortie, la pluie qui battait toujours et encore le pavé. Il la conduisit rapidement vers la voiture, ses griffes plantées dans ses os, ouvrit la portière passager, la jeta à la place du mort et contourna le nez de la Boss pour s’enfoncer à son tour dans l’habitacle.
« De quelle école tu parles ? »
Son ton sec frappa sourdement les vitres. Il passa une main sur son crâne pour le débarrasser des gouttes qui y perlaient, fouilla ses poches à la recherche de la clé, enfonça le précieux sésame dans le contact mais s’interrompit avant de réanimer le moteur. Le mort-vivant fixa le vague un instant, le pare-brise martelé de trombes d’eau, une pensée crasse filant entre ses deux oreilles. Les narines dilatées, la mâchoire proche de se briser tant il serrait les crocs, il ordonna :
« Relève tes manches. »
Et comme elle ne s’exécutait pas assez rapidement, il lui saisit le poignet, le tordit dans sa direction et attrapa le tissu qui recouvrait sa peau diaphane pour le faire glisser au-delà du coude. Le regard inquisiteur de Marion remonta chaque veine qui crevait l’épiderme, cherchant le signe quelconque de l’endroit où pouvait bien passer l’argent de sa sœur. Il ne trouva pourtant pas de trou. Pas de bleu. Pas de petit vaisseau éclaté sous la pression d’une seringue, aussi la relâcha-t-il avec autant de violence qu'il l'avait attrapée. Il planta un regard teinté de pitié et de dégoût dans ses prunelles si claires.
« Tu fais quoi de ta thune ? Tu te refais la cloison nasale ? Oxy ? Fentanyl ? Putain t’es tellement maigre qu’on a l’impression que tu vas tomber en morceaux. »
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 13:58
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 14:04
Se nourrissait-elle seulement ? D’autre chose que de speed ? Marion connaissait par cœur les effets de cette drogue sur le corps d’une femme. Il en gavait certaines de ses danseuses lorsqu’elles étaient trop éreintées par le travail ou qu’il les jugeait trop grasses pour pouvoir se déhancher correctement sur les cuisses des clients. Si certaines radasses portaient à merveille les kilos en trop, la plupart de ses filles se vendaient mieux quand elles avaient la taille fine mais les fesses pleines, un savant mélange qui s’obtenait en leur coupant la faim et en usant leur cul à coups de reins. Les amphétamines les rongeaient rapidement, creusant le ventre, révélant les côtes, ne laissant parfois qu’un peu de chair sur les os. Il n’aurait pas été étonné que la gosse enfoncée dans le siège à ses côtés lui révèle s’en coller plusieurs grammes dans les narines chaque jour tant elle paraissait maigre. Bien plus que la dernière fois qu’il l’avait vue.
La Puce parut excédée, soit qu’il avait mis le doigt sur une vérité qu’elle peinait à s’avouer, soit qu’il venait d’ébranler violemment le peu d’égo et de dignité qu’elle s’autorisait encore. De lourdes larmes roulèrent sur ses joues, creusant des sillons sur sa peau si pâle, comprimant le palpitant essoufflé de rage du trentenaire.
« J’y crois pas… Tu me prends pour une droguée ?! »
Le squelette se désaxa pour mieux se tourner vers elle. Une épaule enfoncée dans son siège, il considéra d’un œil noir le minois tordu de chagrin, de colère et de déception de la petite. Les nombreuses taches de rousseur qui le constellaient avaient une inflexion triste, et il remarqua douloureusement qu’il y avait bien longtemps qu’il ne l’avait vue sourire ou entendue rire aux éclats.
« Je suis PAS une droguée Marion ! Et j’ai toujours été maigre, c’est mon corps qui est habitué comme ça. Mais… T’as jamais remarqué ? Ah non, excuse moi, t’étais trop occupé à vouloir tuer mon père ou tabasser notre mère. »
Les tympans du proxénète vrillèrent brutalement. Il n’avait pas de mère et n’en avait jamais eue. Le cadavre qu’ils avaient mis en bière un an plus tôt était celui de sa génitrice, tout au plus. Une chienne, camée jusqu’à l’os. Une gamine stupide qui s’était fait engrosser, n’avait pas voulu du rejeton, mais avait bien dû s’en accommoder. Et quelle accommodation ! Dieu seul savait comment Marion avait tenu, comment il avait survécu sans une bribe d’intérêt ou d’amour maternel. Il lui devait d’être né, mais rien d’autre. Pas même le respect. Là résidait la principale différence entre sa demi-sœur et lui : Charles s’accrochait toujours et encore à la croyance idiote qu’elle était redevable à Holly pour l’avoir mise au monde, quand elle aurait dû la haïr du plus profond de son être. La Puce, elle aussi, n’était qu’un accident de plus entre deux prises d’héroïne.
« Désolée Marion si je suis pas nette, si je suis pas comme tu voudrais que je sois mais va falloir t’y faire. Oh, j’y pense, désolée j’ai menti, attend. »
Il battit des paupières quand la petite lui lança un pochon presque vide. Il n’était pas sûr de pouvoir récupérer un malheureux gramme d’herbe s’il raclait les parois, et pourtant l’odeur douce d’agrumes emplit l’habitacle de la voiture.
« Je suis obligée de fumer ça pour éviter de me rappeler tous les soirs que TU m’as abandonnée et que c’est pour ça que ça tourne pas rond chez moi. »
Un sifflement méprisant passa entre les dents du tatoué. Il fouilla le vide-poche entre leurs sièges pour récupérer le paquet de sans-filtres qui traînait là et s’en cala une au bord des lèvres. Le crissement caractéristique de son zippo se fit entendre quand il alluma son clou de cercueil.
Elle n’avait pas idée du poids de ses mots, moins encore de l’amertume qui lui creva le cœur à les entendre crachés de la sorte. La Puce n’était encore qu’une enfant quand on lui avait retiré toute chance de pouvoir en récupérer la garde. Qu’un petit bout de rien qu’il aimait plus que tout, auquel il aurait voulu donner une vie. Mais le Juge, Holly et son connard de dealeur s’étaient acharnés à l’éloigner d’elle à grands coups d’ordonnance restrictive. Ils n’en seraient pas là aujourd’hui si ce foutu papier ne s’était pas tenu entre eux. Tout aurait été différent si Marion s’était contenté de planter une balle entre les deux yeux du père de Charlie, ce soir-là. Jamais cette pourriture et la pouffiasse qu’il ramonait n’auraient pu appeler les flics s’il les avait crevés tous les deux. Jamais cette salope de la protection de l’enfance n’aurait arraché la gamine à ses bras. Jamais la prison ne l’aurait empêché de voir les yeux verts de son bébé. Il se serait sans doute comporté différemment s’il avait été son tuteur légal. Il aurait peut-être pu éviter son second séjour en cabane. Elle aurait pu grandir à ses côtés. Il aurait pu assister à ses spectacles de danse, ses concerts, ses compétitions d’équitation ou ses concours d’éloquence. Il aurait effrayé son premier petit ami et le dernier. Il aurait été là à sa remise de diplôme et l’aurait déposée pour son premier jour d’université. Elle n’aurait jamais manqué de rien, surtout pas de tout l’amour qu’il lui portait. Comme leur vie aurait été différente s’il s’était sali les mains. Si.
Marion n’avait jamais tant regretté d’avoir épargné quelqu’un.
« Tu recevras les sous dès que je les aurais, larmoya-t-elle finalement. »
Charlie se détourna, collant son front contre la vitre passager, les yeux et le nez rouges d’avoir pleuré. Il crut un instant qu’elle allait s’en aller, claquer la porte de la voiture et mettre un terme définitif à leur relation. Mais les doigts maigrelets, suspendus à la poignée, ne l’actionnèrent pas. Elle se contenta de lâcher un brûlot crasse qui acheva une bonne fois pour toutes les résistances du chauve.
« Si au moins j’avais pu crever, t’aurais été plus tranquille. Je suis désolée Marion, tellement désolée…
- Tu devrais apprendre à la fermer plutôt que de dire des conneries pareilles, vomit-il en même temps qu’une épaisse colonne de fumée. Putain t’es pire qu’une adolescente ingrate. Tu sais où tu peux te la carrer, la carte de l’abandon ? Estime-toi heureuse de m’avoir eu ; tu serais pas là pour chialer si j’avais pas été là pour m’occuper de toi et recadrer tes géniteurs de temps à autres. Tu crois qu’ils t’auraient torché le cul, eux ? Tu crois qu’ils se seraient fait chier à te faire manger ? Il fulminait, sa voix faisant presque vibrer les vitres. Elle a jamais pris soin de toi, ta mère, parce qu’elle en avait rien à foutre de ton existence. Le seul pour qui tu comptais, c’était moi. Je t’ai pas abandonnée, j’ai juste fait ce que j’ai pu pour t’assurer un semblant de vie alors que j’étais qu’un gamin moi-même et qu’on me foutait des putain de bâtons dans les roues. C’est pour ça que ça tourne pas rond chez moi, répéta-t-il avec dédain. Tu t’es déjà demandé comment ça m’avait crevé de devoir te laisser chez tes vieux toutes ces années ? Ou d’avoir à te flanquer dans les pattes d’un des gars de Van pour m’assurer que tu finirais par par claquer sous un pont ou d’une overdose comme ta salope de mère ? J’avais pas vraiment le choix, tu vois. J’étais en conditionnelle, j’avais interdiction de t’approcher. On te trouvait chez moi, je repartais en cabane direct. Et merde, autant dire que tu m’aurais certainement plus revu de ta vie. Mais t’as jamais pensé à ça, pas vrai ?! T’as jamais été foutue de réfléchir. T’es qu’une petite conne égoïste qui pense que le monde tourne autour d’elle. Réveille-toi, Puce, t’es pas la seule à morfler ici-bas. On est tous des sous-merdes qui prennent cher. La seule différence, c’est que je pensais pas qu’à ma gueule, quand je t’abandonnais. Toutes mes putain de décisions, je les ai prises dans ton intérêt. »
Il s’enfonça dans son dossier et tourna la clé dans le contact pour faire vrombir le moteur de la vieille voiture. Le grondement sourd des chevaux fut quelque peu étouffé par la pluie lorsqu’il pressa l’accélérateur pour s’éloigner au plus vite et lui retirer toute opportunité de quitter l’auto sans avoir à sauter en marche.
« Pas besoin de pointer à ton boulot demain. Si t’es capable d’astiquer le sol d’une école primaire, t’arriveras probablement aussi à le faire au Naughty. Je te veux dans les parages pour pouvoir te garder à l’œil et m’assurer que la thune que tu me dois arrive rapidement dans mes poches. Tu recevras pas plus que la greluche qu’il va falloir que je vire pour te filer sa place, c'est-à-dire une misère. Je ponctionnerai directement un tiers, tu te démerderas avec le reste. »
La Puce parut excédée, soit qu’il avait mis le doigt sur une vérité qu’elle peinait à s’avouer, soit qu’il venait d’ébranler violemment le peu d’égo et de dignité qu’elle s’autorisait encore. De lourdes larmes roulèrent sur ses joues, creusant des sillons sur sa peau si pâle, comprimant le palpitant essoufflé de rage du trentenaire.
« J’y crois pas… Tu me prends pour une droguée ?! »
Le squelette se désaxa pour mieux se tourner vers elle. Une épaule enfoncée dans son siège, il considéra d’un œil noir le minois tordu de chagrin, de colère et de déception de la petite. Les nombreuses taches de rousseur qui le constellaient avaient une inflexion triste, et il remarqua douloureusement qu’il y avait bien longtemps qu’il ne l’avait vue sourire ou entendue rire aux éclats.
« Je suis PAS une droguée Marion ! Et j’ai toujours été maigre, c’est mon corps qui est habitué comme ça. Mais… T’as jamais remarqué ? Ah non, excuse moi, t’étais trop occupé à vouloir tuer mon père ou tabasser notre mère. »
Les tympans du proxénète vrillèrent brutalement. Il n’avait pas de mère et n’en avait jamais eue. Le cadavre qu’ils avaient mis en bière un an plus tôt était celui de sa génitrice, tout au plus. Une chienne, camée jusqu’à l’os. Une gamine stupide qui s’était fait engrosser, n’avait pas voulu du rejeton, mais avait bien dû s’en accommoder. Et quelle accommodation ! Dieu seul savait comment Marion avait tenu, comment il avait survécu sans une bribe d’intérêt ou d’amour maternel. Il lui devait d’être né, mais rien d’autre. Pas même le respect. Là résidait la principale différence entre sa demi-sœur et lui : Charles s’accrochait toujours et encore à la croyance idiote qu’elle était redevable à Holly pour l’avoir mise au monde, quand elle aurait dû la haïr du plus profond de son être. La Puce, elle aussi, n’était qu’un accident de plus entre deux prises d’héroïne.
« Désolée Marion si je suis pas nette, si je suis pas comme tu voudrais que je sois mais va falloir t’y faire. Oh, j’y pense, désolée j’ai menti, attend. »
Il battit des paupières quand la petite lui lança un pochon presque vide. Il n’était pas sûr de pouvoir récupérer un malheureux gramme d’herbe s’il raclait les parois, et pourtant l’odeur douce d’agrumes emplit l’habitacle de la voiture.
« Je suis obligée de fumer ça pour éviter de me rappeler tous les soirs que TU m’as abandonnée et que c’est pour ça que ça tourne pas rond chez moi. »
Un sifflement méprisant passa entre les dents du tatoué. Il fouilla le vide-poche entre leurs sièges pour récupérer le paquet de sans-filtres qui traînait là et s’en cala une au bord des lèvres. Le crissement caractéristique de son zippo se fit entendre quand il alluma son clou de cercueil.
Elle n’avait pas idée du poids de ses mots, moins encore de l’amertume qui lui creva le cœur à les entendre crachés de la sorte. La Puce n’était encore qu’une enfant quand on lui avait retiré toute chance de pouvoir en récupérer la garde. Qu’un petit bout de rien qu’il aimait plus que tout, auquel il aurait voulu donner une vie. Mais le Juge, Holly et son connard de dealeur s’étaient acharnés à l’éloigner d’elle à grands coups d’ordonnance restrictive. Ils n’en seraient pas là aujourd’hui si ce foutu papier ne s’était pas tenu entre eux. Tout aurait été différent si Marion s’était contenté de planter une balle entre les deux yeux du père de Charlie, ce soir-là. Jamais cette pourriture et la pouffiasse qu’il ramonait n’auraient pu appeler les flics s’il les avait crevés tous les deux. Jamais cette salope de la protection de l’enfance n’aurait arraché la gamine à ses bras. Jamais la prison ne l’aurait empêché de voir les yeux verts de son bébé. Il se serait sans doute comporté différemment s’il avait été son tuteur légal. Il aurait peut-être pu éviter son second séjour en cabane. Elle aurait pu grandir à ses côtés. Il aurait pu assister à ses spectacles de danse, ses concerts, ses compétitions d’équitation ou ses concours d’éloquence. Il aurait effrayé son premier petit ami et le dernier. Il aurait été là à sa remise de diplôme et l’aurait déposée pour son premier jour d’université. Elle n’aurait jamais manqué de rien, surtout pas de tout l’amour qu’il lui portait. Comme leur vie aurait été différente s’il s’était sali les mains. Si.
Marion n’avait jamais tant regretté d’avoir épargné quelqu’un.
« Tu recevras les sous dès que je les aurais, larmoya-t-elle finalement. »
Charlie se détourna, collant son front contre la vitre passager, les yeux et le nez rouges d’avoir pleuré. Il crut un instant qu’elle allait s’en aller, claquer la porte de la voiture et mettre un terme définitif à leur relation. Mais les doigts maigrelets, suspendus à la poignée, ne l’actionnèrent pas. Elle se contenta de lâcher un brûlot crasse qui acheva une bonne fois pour toutes les résistances du chauve.
« Si au moins j’avais pu crever, t’aurais été plus tranquille. Je suis désolée Marion, tellement désolée…
- Tu devrais apprendre à la fermer plutôt que de dire des conneries pareilles, vomit-il en même temps qu’une épaisse colonne de fumée. Putain t’es pire qu’une adolescente ingrate. Tu sais où tu peux te la carrer, la carte de l’abandon ? Estime-toi heureuse de m’avoir eu ; tu serais pas là pour chialer si j’avais pas été là pour m’occuper de toi et recadrer tes géniteurs de temps à autres. Tu crois qu’ils t’auraient torché le cul, eux ? Tu crois qu’ils se seraient fait chier à te faire manger ? Il fulminait, sa voix faisant presque vibrer les vitres. Elle a jamais pris soin de toi, ta mère, parce qu’elle en avait rien à foutre de ton existence. Le seul pour qui tu comptais, c’était moi. Je t’ai pas abandonnée, j’ai juste fait ce que j’ai pu pour t’assurer un semblant de vie alors que j’étais qu’un gamin moi-même et qu’on me foutait des putain de bâtons dans les roues. C’est pour ça que ça tourne pas rond chez moi, répéta-t-il avec dédain. Tu t’es déjà demandé comment ça m’avait crevé de devoir te laisser chez tes vieux toutes ces années ? Ou d’avoir à te flanquer dans les pattes d’un des gars de Van pour m’assurer que tu finirais par par claquer sous un pont ou d’une overdose comme ta salope de mère ? J’avais pas vraiment le choix, tu vois. J’étais en conditionnelle, j’avais interdiction de t’approcher. On te trouvait chez moi, je repartais en cabane direct. Et merde, autant dire que tu m’aurais certainement plus revu de ta vie. Mais t’as jamais pensé à ça, pas vrai ?! T’as jamais été foutue de réfléchir. T’es qu’une petite conne égoïste qui pense que le monde tourne autour d’elle. Réveille-toi, Puce, t’es pas la seule à morfler ici-bas. On est tous des sous-merdes qui prennent cher. La seule différence, c’est que je pensais pas qu’à ma gueule, quand je t’abandonnais. Toutes mes putain de décisions, je les ai prises dans ton intérêt. »
Il s’enfonça dans son dossier et tourna la clé dans le contact pour faire vrombir le moteur de la vieille voiture. Le grondement sourd des chevaux fut quelque peu étouffé par la pluie lorsqu’il pressa l’accélérateur pour s’éloigner au plus vite et lui retirer toute opportunité de quitter l’auto sans avoir à sauter en marche.
« Pas besoin de pointer à ton boulot demain. Si t’es capable d’astiquer le sol d’une école primaire, t’arriveras probablement aussi à le faire au Naughty. Je te veux dans les parages pour pouvoir te garder à l’œil et m’assurer que la thune que tu me dois arrive rapidement dans mes poches. Tu recevras pas plus que la greluche qu’il va falloir que je vire pour te filer sa place, c'est-à-dire une misère. Je ponctionnerai directement un tiers, tu te démerderas avec le reste. »
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 14:07
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 4 Jan - 23:57
Licencier une employée quelconque ne le touchait pas. Il se fichait bien de savoir s’il mettait en difficulté une mère célibataire avec trois enfants à charge qui s’était longtemps rêvée danseuse étoile, ou une pauvre gosse qui suait chaque jour en effaçant les traces de foutre pour rembourser son dealeur. Personne n’était irremplaçable dans les affaires, ni les femmes de ménage dont il oubliait généralement le nom, ni les videurs qui changeaient fréquemment parce qu’ils ne se rappelaient pas toujours leur place, pas même lui - la mort de Van n’avait-elle pas prouvé qu’il suffisait d’un successeur pour que le monde continue de tourner ? Les danseuses ne trouvaient guère plus de grâce à ses yeux : il en gardait certaines jalousement parce qu’elles lui rapportaient gros autant que pour s’éviter d’avoir à en trouver de nouvelles. Fondamentalement, congédier les moins douées ne lui faisait aucun effet. Il se fichait bien que ses filles retournent à la rue ou terminent au fond d’un caniveau, quelle importance pouvait donc avoir une simple bonniche ?
S’il aurait préféré la savoir au Purple H plutôt que d’évoluer dans les bas-fonds d’East Garfield Park, le proxénète ne passait pas suffisamment de temps en haut de sa tour d’ivoire pour pouvoir scruter les moindres faits et gestes de la Puce. Il se rassurait, d’une certaine manière, en se disant que les horaires diurnes de sa sœur ne lui permettraient pas de croiser les danseuses. Balayer les miettes de leur dignité suffirait largement, elle n’avait pas besoin de voir leur misère en prime. Savoir que la prostitution existait était bien différent de la regarder chaque jour dans les yeux ; Charlie n’avait pas le cœur suffisamment accroché pour supporter ce spectacle sordide.
« D’accord Marion. Mais qu’est-ce que je vais dire à l’école ? »
Il eut un soupir à mi-chemin entre l’exaspération et l’étonnement avant de se rendre compte du sérieux de sa question. Marion tourna de grands yeux surpris vers la petite avant de les reporter sur la route. À la vitesse où il conduisait, et bien qu’habitué à conchier les limitations, il valait mieux ne pas ignorer l’asphalte trop longtemps de peur de s’encastrer dans un platane ou un piéton idiot qui n’aurait pas vu arriver la muscle car.
Le trafic n’était pas assez perturbé à cette heure de la soirée pour leur infliger de trop longues minutes d’un silence pesant ; ils arrivèrent bien vite devant la façade de briques derrière laquelle se terrait Marion lorsqu’il n’était pas dans l’un de ses temples du vice. La Puce fut la première à quitter la voiture. Immédiatement trempée par les cordes qui les assommaient gaiement, elle claqua la portière, non sans provoquer chez son aîné un frisson de désagrément. Les mains raides sur le volant, il se retint de lui beugler d’être un peu plus doux avec une tire plus âgée qu’eux deux réunis.
Le tatoué passa ses mains sur son crâne pour essuyer les lourdes gouttes de pluie qui s’y étaient enfoncées lorsqu’il fut à l’abri. Il eut à peine le temps de voir la Puce filer à l’étage sans prêter la moindre attention au Sac à Puces qui se pressait pour venir les voir. Marion l’ignora une seconde et, se prenant les pieds dedans comme il réclamait de l’attention, résolut de le saluer en le congratulant d’un chapelet de jurons auquel il répondit en jappant. Con de chien. Il avait fallu que Liz choisisse le plus idiot de la portée.
Il abandonna ses chaussures et son blouson en bas de l’escalier, récupéra les biens qui traînaient dans ses poches et grimpa les marches deux par deux, le clébard sur ses talons. Les affaires de la petite étaient déjà posés sur le canapé, et elle en tirait quelques bricoles en demandant :
« Est-ce que je peux prendre une douche ?
- Tu connais le chemin. »
Le verrou cliqueta dans un tintement métallique et Marion, l’œil vers la porte de la salle-de-bains, attendit sagement d’entendre l’eau couler pour s’approcher du sac de sa sœur. Il n’avait jamais été particulièrement intrusif avec elle, n’avait jamais fouillé sa chambre pour trouver son journal intime, et ne savait en réalité pas même si elle en avait jamais eu un. Pour la première fois, cependant, il se sentit le besoin de vérifier qu’elle ne traînait rien d’inquiétant dans son maigre paquetage. Il voulait bien croire qu’elle ne se piquait pas, qu’elle se cantonnait à l’herbe, mais ses tripes lui intimaient que quelque chose n’allait pas. La manière dont elle avait réagi, cette docilité brusque, presque inquiétante … Il retourna ses affaires sans ménagement, fouillant les poches des pantalons autant que celles du sac, cherchant dans les rares paires de chaussette, triturant la toile à la recherche d’une doublure cachée, ouvrant la petite trousse qui lui servait de porte-monnaie. Mais rien. L’inquiétude ne passa pourtant pas.
L’investigateur du dimanche replia les vêtements malmenés et remit un peu d’ordre dans le bordel qu’il venait de mettre. Il referma le sac, traversa le salon pour le jeter sur son lit depuis le seuil de la chambre et revint sur ses pas. Filant vers la cuisine, Marion se décapsula une bière qu’il vida presque immédiatement. Il s’appuya au plan de travail, les paumes bien à plat sur le béton usé par les années, poussa un long soupir et tendit l’oreille : l’eau coulait encore sous la douche.
Il finissait tout juste un dernier sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture quand la porte de la salle-de-bains s’ouvrit. Silencieuse comme un courant d’air, la Puce s’approcha doucement. Elle semblait minuscule dans son t-shirt trop long, et le souvenir brusque de ses petites jambes de bambin s’empêtrant dans un haut de grand lorsqu’elle n’était qu’un petit être à peine plus haut que trois pommes lui sauta à la gorge.
« T’auras qu’à retenir la facture d’eau sur mon salaire.
- Je suis pas à deux dollars près … »
Il n’avait jamais été plus avare que cela, bien au contraire, et ne comptait pas chaque sou pour s’en sortir à la fin du mois. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus besoin de s’inquiéter des factures ou d’un loyer à payer. Il perdrait plus de temps à relever le compteur d'eau pour savoir dans combien de litres la Puce s'était noyée qu'autre chose.
« Tu veux regarder quelque chose ? J’ai Netflix et Prime. Et Disney + … Le clebs aime bien regarder des dessins animés à la con, ajouta-t-il pour se dédouaner. »
Quelque peu radouci, Marion franchit les dix pas qui les séparaient pour lui tendre l’assiette qui lui était destinée. Deux sandwichs et une pomme tranchée en fins quartiers suffiraient sans doute déjà à la caler. Il voulait bien la noyer sous une montagne de pop-corn si elle en faisait le souhait, ou lui cuisiner un vrai repas avec ce qu’il restait dans son réfrigérateur. Le trentenaire avait toujours été bon cuisinier. Déjà jeune, il se débrouillait pour se nourrir décemment, mais son séjour à l’ombre avait cloué dans son esprit la nécessité de prendre soin de son estomac - à défaut de savoir entretenir correctement son foie. Quand on avait passé cinq ans de sa vie au violon à se nourrir de plats de cantine peu ragoûtants, le loisir de se mijoter de bons repas devenait une passion.
S’il aurait préféré la savoir au Purple H plutôt que d’évoluer dans les bas-fonds d’East Garfield Park, le proxénète ne passait pas suffisamment de temps en haut de sa tour d’ivoire pour pouvoir scruter les moindres faits et gestes de la Puce. Il se rassurait, d’une certaine manière, en se disant que les horaires diurnes de sa sœur ne lui permettraient pas de croiser les danseuses. Balayer les miettes de leur dignité suffirait largement, elle n’avait pas besoin de voir leur misère en prime. Savoir que la prostitution existait était bien différent de la regarder chaque jour dans les yeux ; Charlie n’avait pas le cœur suffisamment accroché pour supporter ce spectacle sordide.
« D’accord Marion. Mais qu’est-ce que je vais dire à l’école ? »
Il eut un soupir à mi-chemin entre l’exaspération et l’étonnement avant de se rendre compte du sérieux de sa question. Marion tourna de grands yeux surpris vers la petite avant de les reporter sur la route. À la vitesse où il conduisait, et bien qu’habitué à conchier les limitations, il valait mieux ne pas ignorer l’asphalte trop longtemps de peur de s’encastrer dans un platane ou un piéton idiot qui n’aurait pas vu arriver la muscle car.
*
Le trafic n’était pas assez perturbé à cette heure de la soirée pour leur infliger de trop longues minutes d’un silence pesant ; ils arrivèrent bien vite devant la façade de briques derrière laquelle se terrait Marion lorsqu’il n’était pas dans l’un de ses temples du vice. La Puce fut la première à quitter la voiture. Immédiatement trempée par les cordes qui les assommaient gaiement, elle claqua la portière, non sans provoquer chez son aîné un frisson de désagrément. Les mains raides sur le volant, il se retint de lui beugler d’être un peu plus doux avec une tire plus âgée qu’eux deux réunis.
Le tatoué passa ses mains sur son crâne pour essuyer les lourdes gouttes de pluie qui s’y étaient enfoncées lorsqu’il fut à l’abri. Il eut à peine le temps de voir la Puce filer à l’étage sans prêter la moindre attention au Sac à Puces qui se pressait pour venir les voir. Marion l’ignora une seconde et, se prenant les pieds dedans comme il réclamait de l’attention, résolut de le saluer en le congratulant d’un chapelet de jurons auquel il répondit en jappant. Con de chien. Il avait fallu que Liz choisisse le plus idiot de la portée.
Il abandonna ses chaussures et son blouson en bas de l’escalier, récupéra les biens qui traînaient dans ses poches et grimpa les marches deux par deux, le clébard sur ses talons. Les affaires de la petite étaient déjà posés sur le canapé, et elle en tirait quelques bricoles en demandant :
« Est-ce que je peux prendre une douche ?
- Tu connais le chemin. »
Le verrou cliqueta dans un tintement métallique et Marion, l’œil vers la porte de la salle-de-bains, attendit sagement d’entendre l’eau couler pour s’approcher du sac de sa sœur. Il n’avait jamais été particulièrement intrusif avec elle, n’avait jamais fouillé sa chambre pour trouver son journal intime, et ne savait en réalité pas même si elle en avait jamais eu un. Pour la première fois, cependant, il se sentit le besoin de vérifier qu’elle ne traînait rien d’inquiétant dans son maigre paquetage. Il voulait bien croire qu’elle ne se piquait pas, qu’elle se cantonnait à l’herbe, mais ses tripes lui intimaient que quelque chose n’allait pas. La manière dont elle avait réagi, cette docilité brusque, presque inquiétante … Il retourna ses affaires sans ménagement, fouillant les poches des pantalons autant que celles du sac, cherchant dans les rares paires de chaussette, triturant la toile à la recherche d’une doublure cachée, ouvrant la petite trousse qui lui servait de porte-monnaie. Mais rien. L’inquiétude ne passa pourtant pas.
L’investigateur du dimanche replia les vêtements malmenés et remit un peu d’ordre dans le bordel qu’il venait de mettre. Il referma le sac, traversa le salon pour le jeter sur son lit depuis le seuil de la chambre et revint sur ses pas. Filant vers la cuisine, Marion se décapsula une bière qu’il vida presque immédiatement. Il s’appuya au plan de travail, les paumes bien à plat sur le béton usé par les années, poussa un long soupir et tendit l’oreille : l’eau coulait encore sous la douche.
Il finissait tout juste un dernier sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture quand la porte de la salle-de-bains s’ouvrit. Silencieuse comme un courant d’air, la Puce s’approcha doucement. Elle semblait minuscule dans son t-shirt trop long, et le souvenir brusque de ses petites jambes de bambin s’empêtrant dans un haut de grand lorsqu’elle n’était qu’un petit être à peine plus haut que trois pommes lui sauta à la gorge.
« T’auras qu’à retenir la facture d’eau sur mon salaire.
- Je suis pas à deux dollars près … »
Il n’avait jamais été plus avare que cela, bien au contraire, et ne comptait pas chaque sou pour s’en sortir à la fin du mois. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus besoin de s’inquiéter des factures ou d’un loyer à payer. Il perdrait plus de temps à relever le compteur d'eau pour savoir dans combien de litres la Puce s'était noyée qu'autre chose.
« Tu veux regarder quelque chose ? J’ai Netflix et Prime. Et Disney + … Le clebs aime bien regarder des dessins animés à la con, ajouta-t-il pour se dédouaner. »
Quelque peu radouci, Marion franchit les dix pas qui les séparaient pour lui tendre l’assiette qui lui était destinée. Deux sandwichs et une pomme tranchée en fins quartiers suffiraient sans doute déjà à la caler. Il voulait bien la noyer sous une montagne de pop-corn si elle en faisait le souhait, ou lui cuisiner un vrai repas avec ce qu’il restait dans son réfrigérateur. Le trentenaire avait toujours été bon cuisinier. Déjà jeune, il se débrouillait pour se nourrir décemment, mais son séjour à l’ombre avait cloué dans son esprit la nécessité de prendre soin de son estomac - à défaut de savoir entretenir correctement son foie. Quand on avait passé cinq ans de sa vie au violon à se nourrir de plats de cantine peu ragoûtants, le loisir de se mijoter de bons repas devenait une passion.
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Dim 10 Jan - 11:15
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Sam 16 Jan - 3:34
Le cuisinier amateur n’avait cependant que rarement l’occasion de partager son talent, non qu’il ne voulait pas remplir la panse de ses proches, plutôt que le temps finissait par manquer, puisqu’il s’inventait d’autres priorités. Il lui arrivait somme toute de passer derrière les fourneaux pour sa régulière, ou plus simplement pour Stew. Marion tentait, depuis des années, de percer le mystère du ragoût que leur cuisinait la belle-doche. En vain. Il expérimentait, ajoutait des ingrédients, en retirait certains, changeait les dosages, s’acharnait à chaque bouchée pour trouver le secret qui rendait si bon une potée dont il avait pourtant la recette. À force d’échecs, il en venait à croire que le goût si caractéristique du plat ne venait pas d’un élément particulier mais de la marmite dans laquelle la génitrice de son mari faisait mijoter la préparation. L’explication ne pouvait venir que de là. Son esprit trop rationnel ne pouvait imaginer que la douceur si particulière du ragoût existait davantage dans son esprit et son cœur que sur ses papilles gustatives.
La Puce, après avoir remis en question les goûts cinématographiques de Stew dont les oreilles devaient siffler, lorgna l’assiette qu’on lui tendait. Un éclair de surprise passa dans ses yeux verts, et son regard s’éclaircit.
« Du beurre de cacahuète ! »
Il l’en gavait lorsqu’elle était enfant, puisqu’elle ne réclamait presque que cela. La Puce avait toujours eu la peau sur les os, même lorsqu’il tentait de la remplumer, et Marion avait bien vite compris qu’elle préférait un peu de pâte d’arachide complétée de confiture qu’une assiette trop élaborée. On lui menait la vie suffisamment dure, alors, pour qu’il tente de la dégoûter davantage en la forçant à manger des légumes verts La simplicité d’une tranche de pain tartinée avec amour avait finalement plus de saveur que tous les plats de grands chefs.
La gamine se racla la gorge quand elle eut tiré l’assiette à elle avec empressement. Ses sourcils se froncèrent à nouveau, son nez se plissa, ses prunelles claires reprirent leur lueur terne, comme si elle se laissait volontairement couler dans une mauvaise humeur nécessaire à la survie de son égo.
« Ouais, on peut aller regarder la télé, lâcha-t-elle avec détachement. »
Marion ne chercha pas à ajouter de l’huile sur le feu, se contentant au contraire de sortir une bière du réfrigérateur avant la suivre. Installée sur l’immense canapé d’angle, la Puce mordillait déjà ses sandwichs. Elle tapota le cuir ses côtés pour inviter le carlin à grimper. Trop heureux de recevoir enfin le rien d’attention qu’il quémandait désespérément, le cabot ronfla de plaisir en s’étalant de tout son petit long à côté de la brune. Le proxénète prit place à son tour, se laissant choir entre les coussin, se demandant qui, de son ex ou de lui, avait rendu l’animal si dépendant de la moindre affection. Sans doute était-ce sa faute, Liz n’ayant pas eu le temps de le corrompre.
L’assiette tinta doucement sur la surface de la table-basse quand on l’y déposa. Marion attrapa la télécommande du téléviseur et la manette de la PlayStation pour lancer les différentes plateformes auxquelles il était abonné. Il lança un regard en coin à sa sœur qui faisait un choix :
« On peut regarder Netflix, y’a une série que je voudrais voir… Ça parle d’une fille qui joue aux échecs.
- On peut faire ça. »
Il avait entendu parler de ce programme de nombreuses fois depuis sa sortie. Comment diable aurait-il pu y couper quand le monde ne parlait que de cette série ? Les métros étaient placardés en quatre mètres par trois du minois pour le moins agréable à regarder d’une jolie rousse derrière son échiquier. Où qu’il se trouvait, il avait la sensation d’être transpercé de part en part par les grands yeux noirs de la joueuse et, s’il échappait à son regard, il pouvait être sûr d’entendre quelqu’un susurrer quelque louange à l’égard du Jeu de la Dame.
Le premier épisode passa à une vitesse affolante. Tout plu au trentenaire : de l’esthétique au scénario, du choix des acteurs aux dialogues. Il s’apprêtait à lancer la suite quand il remarqua les paupières closes et les petits poings serrés de la Puce. Sa respiration si tranquille, couverte par celle du chien, lui comprima le palpitant. Marion se leva sans un bruit, débarrassa l’assiette et sa bière vide, passa discrètement un coup d’éponge sur la table du salon puis s’accroupit devant sa sœur pour la réveiller. Il lui secoua doucement le bras pour ne pas l’effrayer et, quand Morphée accepta enfin de la relâcher, la traîna sans violence aucune jusqu’à la chambre à coucher.
« Tu peux rester ici quelques jours, souffla-t-il en s’asseyant à même le plancher, le dos posé contre la table de chevet qui bordait le côté du lit où elle s’était affalée. J’ai vaguement cru comprendre que t’avais plus d’appartement … »
Le tatoué passa brièvement une main à l’arrière de son crâne en soupirant avant de poser ses avant-bras sur ses genoux et ses yeux glauques sur la Puce. Les lumières tamisées creusaient des ombres inquiétantes sur le visage de la petite. Ses cernes marqués semblaient plus profondes encore que lorsqu’il l’avait cherchée, ses pommettes saillantes lui rentraient dans les joues, amplifiant l’impression de maigreur qui se découpait sur ses traits.
« Faut que t’arrêtes de faire des conneries, Puce. Que tu commences à être responsable, à te comporter comme une adulte. Je peux pas être là à chaque fois. Il se corrigea : je ne pourrais pas toujours être là pour réparer les pots cassés. Même si je le voulais, y aura bien un jour où je serai plus en mesure de le faire. Tu comprends ? Trouve-toi un vrai boulot et tiens-le. Commence à économiser, paie-toi un bon appartement, j’en sais rien … Mais fais quelque chose. Reprends-toi. T’en as pas envie ? »
La Puce, après avoir remis en question les goûts cinématographiques de Stew dont les oreilles devaient siffler, lorgna l’assiette qu’on lui tendait. Un éclair de surprise passa dans ses yeux verts, et son regard s’éclaircit.
« Du beurre de cacahuète ! »
Il l’en gavait lorsqu’elle était enfant, puisqu’elle ne réclamait presque que cela. La Puce avait toujours eu la peau sur les os, même lorsqu’il tentait de la remplumer, et Marion avait bien vite compris qu’elle préférait un peu de pâte d’arachide complétée de confiture qu’une assiette trop élaborée. On lui menait la vie suffisamment dure, alors, pour qu’il tente de la dégoûter davantage en la forçant à manger des légumes verts La simplicité d’une tranche de pain tartinée avec amour avait finalement plus de saveur que tous les plats de grands chefs.
La gamine se racla la gorge quand elle eut tiré l’assiette à elle avec empressement. Ses sourcils se froncèrent à nouveau, son nez se plissa, ses prunelles claires reprirent leur lueur terne, comme si elle se laissait volontairement couler dans une mauvaise humeur nécessaire à la survie de son égo.
« Ouais, on peut aller regarder la télé, lâcha-t-elle avec détachement. »
Marion ne chercha pas à ajouter de l’huile sur le feu, se contentant au contraire de sortir une bière du réfrigérateur avant la suivre. Installée sur l’immense canapé d’angle, la Puce mordillait déjà ses sandwichs. Elle tapota le cuir ses côtés pour inviter le carlin à grimper. Trop heureux de recevoir enfin le rien d’attention qu’il quémandait désespérément, le cabot ronfla de plaisir en s’étalant de tout son petit long à côté de la brune. Le proxénète prit place à son tour, se laissant choir entre les coussin, se demandant qui, de son ex ou de lui, avait rendu l’animal si dépendant de la moindre affection. Sans doute était-ce sa faute, Liz n’ayant pas eu le temps de le corrompre.
L’assiette tinta doucement sur la surface de la table-basse quand on l’y déposa. Marion attrapa la télécommande du téléviseur et la manette de la PlayStation pour lancer les différentes plateformes auxquelles il était abonné. Il lança un regard en coin à sa sœur qui faisait un choix :
« On peut regarder Netflix, y’a une série que je voudrais voir… Ça parle d’une fille qui joue aux échecs.
- On peut faire ça. »
Il avait entendu parler de ce programme de nombreuses fois depuis sa sortie. Comment diable aurait-il pu y couper quand le monde ne parlait que de cette série ? Les métros étaient placardés en quatre mètres par trois du minois pour le moins agréable à regarder d’une jolie rousse derrière son échiquier. Où qu’il se trouvait, il avait la sensation d’être transpercé de part en part par les grands yeux noirs de la joueuse et, s’il échappait à son regard, il pouvait être sûr d’entendre quelqu’un susurrer quelque louange à l’égard du Jeu de la Dame.
Le premier épisode passa à une vitesse affolante. Tout plu au trentenaire : de l’esthétique au scénario, du choix des acteurs aux dialogues. Il s’apprêtait à lancer la suite quand il remarqua les paupières closes et les petits poings serrés de la Puce. Sa respiration si tranquille, couverte par celle du chien, lui comprima le palpitant. Marion se leva sans un bruit, débarrassa l’assiette et sa bière vide, passa discrètement un coup d’éponge sur la table du salon puis s’accroupit devant sa sœur pour la réveiller. Il lui secoua doucement le bras pour ne pas l’effrayer et, quand Morphée accepta enfin de la relâcher, la traîna sans violence aucune jusqu’à la chambre à coucher.
« Tu peux rester ici quelques jours, souffla-t-il en s’asseyant à même le plancher, le dos posé contre la table de chevet qui bordait le côté du lit où elle s’était affalée. J’ai vaguement cru comprendre que t’avais plus d’appartement … »
Le tatoué passa brièvement une main à l’arrière de son crâne en soupirant avant de poser ses avant-bras sur ses genoux et ses yeux glauques sur la Puce. Les lumières tamisées creusaient des ombres inquiétantes sur le visage de la petite. Ses cernes marqués semblaient plus profondes encore que lorsqu’il l’avait cherchée, ses pommettes saillantes lui rentraient dans les joues, amplifiant l’impression de maigreur qui se découpait sur ses traits.
« Faut que t’arrêtes de faire des conneries, Puce. Que tu commences à être responsable, à te comporter comme une adulte. Je peux pas être là à chaque fois. Il se corrigea : je ne pourrais pas toujours être là pour réparer les pots cassés. Même si je le voulais, y aura bien un jour où je serai plus en mesure de le faire. Tu comprends ? Trouve-toi un vrai boulot et tiens-le. Commence à économiser, paie-toi un bon appartement, j’en sais rien … Mais fais quelque chose. Reprends-toi. T’en as pas envie ? »
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Sam 16 Jan - 19:33
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Mer 20 Jan - 1:24
Elle avait une vie ou deux devant elle et peu de réelles raisons de devenir grande. Il était bien plus facile, après tout, de se comporter comme une enfant que d’avoir à encaisser la violence d’une prise d’indépendance. C’était simple de sauter dans le vide lorsqu’on avait un parachute doré pour éviter de s’écraser misérablement sur le plancher des vaches … De parachute, pourtant, Marion n’en avait plus l’air. S’il avait longtemps été là pour prévenir les chutes de sa sœur, il ne se contentait plus aujourd’hui que d’amortir l’impact final, comme l’aurait fait un filet. Un filet solide dont il ne pouvait garantir la durée de vie. Viendrait un jour où le proxénète lâcherait ; on le forcerait à une retraite anticipée en le condamnant à la perpétuité ou en l’envoyant bouffer les pissenlits par la racine. Qu’adviendrait-il alors de sa Puce, quand il ne serait plus là ?
Marion fixa le parquet abîmé de sa chambre, s’enlisant dans ses pensées. Il ne pourrait éternellement demander à Stew de veiller sur sa sœur. Son double n’avait pas signé pour ça en l’épousant, quand bien même il avait accepté plusieurs fois cette charge sans rechigner, sans même que le proxénète n’ait à le lui demander. Kip ? Il le modelait à son image, lui apprenait les ficelles du métier, mais ne pourrait pour autant jamais lui abandonner un tel fardeau. Demander à un gamin de prendre soin d’une enfant à peine plus âgée n’avait aucun sens, aucune chance de réussite. Qui resterait-il ? Son incapacité chronique à faire confiance aux autres lui explosa à la gueule, ravivant dans l’explosion sa peur de la solitude. Elle l’écraisait plus encore à mesure qu’il se sentait fatiguer, se lassait des frasques de Charlie.
« Oui, je comprends et je sais… J’ai essayé de faire tout bien comme il faut mais voilà… Ne me dis pas que t’as jamais fait d’erreur Marion… »
Il hocha la tête en soupirant. Le tatoué aurait aimé lui rétorquer qu’il n’avait jamais rien fait de suffisamment stupide pour éclabousser les autres, mais ne se sentait pas d’humeur à mentir davantage. Pas quand son cerveau déroulait la liste interminable des hommes et femmes qui avaient casqué pour ses conneries, la Puce en tête. Son nom était inscrit en lettres capitales, surplombant tous les autres.
« Tu sais ce que j’ai fait avec l’argent, demanda-t-elle d’une petite voix d’enfant. Je suis partie en vacances avec une copine. Et tu veux qu'j' te dise ? Je regrette pas du tout parce que c’était génial, c’était la meilleure semaine de toute ma vie… Et je suis désolée pour le tort que ç’a causé à mon patron et à toi mais maintenant voilà, je vais faire tout ce qu’il faut pour m’en sortir, promis… Et je veux bien rester ici un peu, oui. »
Le squelette opina du chef. Si une partie de son âme s’attendrissait de l’entendre parler de son expérience de la sorte, un rien de rancune et de colère le forçait à ne pas se laisser avoir par cette comédie. La gamine savait se faire candide lorsqu’elle le voulait. Comme toutes les femmes qu’on réprimandait, elle pouvait changer son timbre de voix et la lueur dans ses prunelles pour qu’on lui accorde facilement le pardon.
« Assieds-toi ici, ça sera plus confort… »
Il se leva dans un râle. La terre était bien trop basse, à cette heure de la journée, le ciel affreusement hors de portée. Marion se laissa choir au bord du lit, le matelas s’enfonçant sous son poids. Il fixa sa sœur du coin de l’œil alors qu’elle s’agitait pour se redresser à son tour.
« J’ai pris l’avion pour la première fois et ç’a duré presque neuf heures. »
Quel diable l’avait piquée pour qu’elle s’enferme volontairement dans un cercueil de métal suspendu à plusieurs kilomètres au-dessus de la terre ferme ? Marion s’ébroua imperceptiblement, un frisson de dégoût rampant le long de son échine.
« On est parti à Moscou, c’était trop trop beau et sa famille était trop gentille.. Je t’ai ramené un truc, passe-moi mon sac s’te plait.
- T’aurais pu envoyer une carte postale, pour commencer. »
Il esquissa une grimace ressemblant vaguement à un sourire avant de se pencher sur le côté pour récupérer le maigre paquetage de la petite. Pour un homme qui n’avait jamais exploré que les limites de son continent - l’Amérique se restreignant à ses yeux aux sacro-saints États-Unis et au nord du Mexique -, voyager à l’autre bout de la Terre avait un parfum de fantasme. Traverser l’océan, ne savoir sous ses pieds qu’une immense étendue d’eau, fouler le sol chargé d’histoire du Vieux continent, traverser l’Europe de part en part en s’arrêtant dans chaque capitale, franchir les frontières de la Russie et pousser jusqu’à l’Oural … Bien-sûr, Marion avait vu les paysages de ce pays à travers les écrans, se les était figurés en lisant ses Tolstoï, les avait vécus dans le témoignage d’âmes plus aventureuses que la sienne. Il gardait jalousement une image mentale d’un Kremlin dont il n’aurait jamais la possibilité d’apprécier la grandeur, d’une Place rouge qu’il ne verrait jamais noire de monde, d’une cathédrale qu’il ne pourrait visiter. Le trentenaire nourrissait en son for intérieur l’intime conviction que ses rêves d’ailleurs ne se réaliseraient pas.
« C’est une chapka, demanda-t-il en lui lançant doucement son sac sur les genoux. »
Marion entendit les griffes érodées du chien cliqueter contre le sol du salon. Le Sac à Puces franchit le seuil de la porte avec une nonchalance toute particulière. Il se traîna jusqu’aux pieds de son maître et attendit qu’on daigne le poser sur le lit, ses yeux globuleux vides d’intelligence suppliant pour plus de rapidité. Le proxénète soupira lourdement, attrapa le chien et le laissa tomber sur la couverture, juste à côté de Charlie.
Marion fixa le parquet abîmé de sa chambre, s’enlisant dans ses pensées. Il ne pourrait éternellement demander à Stew de veiller sur sa sœur. Son double n’avait pas signé pour ça en l’épousant, quand bien même il avait accepté plusieurs fois cette charge sans rechigner, sans même que le proxénète n’ait à le lui demander. Kip ? Il le modelait à son image, lui apprenait les ficelles du métier, mais ne pourrait pour autant jamais lui abandonner un tel fardeau. Demander à un gamin de prendre soin d’une enfant à peine plus âgée n’avait aucun sens, aucune chance de réussite. Qui resterait-il ? Son incapacité chronique à faire confiance aux autres lui explosa à la gueule, ravivant dans l’explosion sa peur de la solitude. Elle l’écraisait plus encore à mesure qu’il se sentait fatiguer, se lassait des frasques de Charlie.
« Oui, je comprends et je sais… J’ai essayé de faire tout bien comme il faut mais voilà… Ne me dis pas que t’as jamais fait d’erreur Marion… »
Il hocha la tête en soupirant. Le tatoué aurait aimé lui rétorquer qu’il n’avait jamais rien fait de suffisamment stupide pour éclabousser les autres, mais ne se sentait pas d’humeur à mentir davantage. Pas quand son cerveau déroulait la liste interminable des hommes et femmes qui avaient casqué pour ses conneries, la Puce en tête. Son nom était inscrit en lettres capitales, surplombant tous les autres.
« Tu sais ce que j’ai fait avec l’argent, demanda-t-elle d’une petite voix d’enfant. Je suis partie en vacances avec une copine. Et tu veux qu'j' te dise ? Je regrette pas du tout parce que c’était génial, c’était la meilleure semaine de toute ma vie… Et je suis désolée pour le tort que ç’a causé à mon patron et à toi mais maintenant voilà, je vais faire tout ce qu’il faut pour m’en sortir, promis… Et je veux bien rester ici un peu, oui. »
Le squelette opina du chef. Si une partie de son âme s’attendrissait de l’entendre parler de son expérience de la sorte, un rien de rancune et de colère le forçait à ne pas se laisser avoir par cette comédie. La gamine savait se faire candide lorsqu’elle le voulait. Comme toutes les femmes qu’on réprimandait, elle pouvait changer son timbre de voix et la lueur dans ses prunelles pour qu’on lui accorde facilement le pardon.
« Assieds-toi ici, ça sera plus confort… »
Il se leva dans un râle. La terre était bien trop basse, à cette heure de la journée, le ciel affreusement hors de portée. Marion se laissa choir au bord du lit, le matelas s’enfonçant sous son poids. Il fixa sa sœur du coin de l’œil alors qu’elle s’agitait pour se redresser à son tour.
« J’ai pris l’avion pour la première fois et ç’a duré presque neuf heures. »
Quel diable l’avait piquée pour qu’elle s’enferme volontairement dans un cercueil de métal suspendu à plusieurs kilomètres au-dessus de la terre ferme ? Marion s’ébroua imperceptiblement, un frisson de dégoût rampant le long de son échine.
« On est parti à Moscou, c’était trop trop beau et sa famille était trop gentille.. Je t’ai ramené un truc, passe-moi mon sac s’te plait.
- T’aurais pu envoyer une carte postale, pour commencer. »
Il esquissa une grimace ressemblant vaguement à un sourire avant de se pencher sur le côté pour récupérer le maigre paquetage de la petite. Pour un homme qui n’avait jamais exploré que les limites de son continent - l’Amérique se restreignant à ses yeux aux sacro-saints États-Unis et au nord du Mexique -, voyager à l’autre bout de la Terre avait un parfum de fantasme. Traverser l’océan, ne savoir sous ses pieds qu’une immense étendue d’eau, fouler le sol chargé d’histoire du Vieux continent, traverser l’Europe de part en part en s’arrêtant dans chaque capitale, franchir les frontières de la Russie et pousser jusqu’à l’Oural … Bien-sûr, Marion avait vu les paysages de ce pays à travers les écrans, se les était figurés en lisant ses Tolstoï, les avait vécus dans le témoignage d’âmes plus aventureuses que la sienne. Il gardait jalousement une image mentale d’un Kremlin dont il n’aurait jamais la possibilité d’apprécier la grandeur, d’une Place rouge qu’il ne verrait jamais noire de monde, d’une cathédrale qu’il ne pourrait visiter. Le trentenaire nourrissait en son for intérieur l’intime conviction que ses rêves d’ailleurs ne se réaliseraient pas.
« C’est une chapka, demanda-t-il en lui lançant doucement son sac sur les genoux. »
Marion entendit les griffes érodées du chien cliqueter contre le sol du salon. Le Sac à Puces franchit le seuil de la porte avec une nonchalance toute particulière. Il se traîna jusqu’aux pieds de son maître et attendit qu’on daigne le poser sur le lit, ses yeux globuleux vides d’intelligence suppliant pour plus de rapidité. Le proxénète soupira lourdement, attrapa le chien et le laissa tomber sur la couverture, juste à côté de Charlie.
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Mer 3 Fév - 11:17
- Levine ZelmanYou want it darker ?
- Messages : 175
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Noémie Doragon + strange hell
Occupation : Alcoolique à temps plein et graffeuse. Accessoirement barmaid incompétente se rêvant artiste.
Statut Civil : Célibataire, une rupture récente et douloureuse coincée dans la gorge.
Re: Smoked mood. | TPK
Jeu 18 Fév - 18:58
L’animal râla brièvement, signalant dans un retroussement de babines apathique qu’il n'appréciait guère qu’on le jette de la sorte. Boudeur, il s’affala de tout son court long, une moitié du boudin qui lui servait de corps sur Charlie, l’autre enfoncée dans la couverture. Le chien se trouva cependant bien heureux d’avoir atterri là ; la gamine lui assena une série de caresses qui lui fit bien vite oublier sa rancœur.
« J’ai pas pensé à la carte postale… Puis ça t’aurait pas vraiment fait plaisir d’en recevoir une. »
Marion haussa les épaules. Il y avait bien longtemps qu’il ne recevait plus de lettres. Les seuls courriers qui lui parvenaient concernaient des points administratifs, des factures à régler, ou de temps à autres un mot dégoulinant de haine qui le sommait de quitter le quartier, et qu’il jetait à peine la première phrase lue. Il oubliait, la plupart du temps, que son adresse avait été recensée comme celle d’un délinquant sexuel lorsqu’il s’était établi dans le coin. Sans doute son cerveau cherchait-il à occulter l’information pour ne pas remuer inutilement les souvenirs d’une partie de vie qu’il préférait effacer. Par chance, les petits papiers qu’on glissait affectueusement dans sa boîte-à-lettres le ramenaient régulièrement à la réalité en ravivant l’amertume de l’injustice.
Le tatoué ne se consolait qu’en se rappelant que la merdeuse qui l’avait envoyé à l’ombre s’était foutue en l’air, peu après sa libération sous conditionnelle. Sa lâcheté l’avait au moins préservée d’un nouveau face à face avec l’homme qu’elle avait accusé de viol. Mieux valait un suicide qu’un meurtre.
« Qu’est-ce que t’en sais ? »
Passées l’inquiétude et l’incompréhension de recevoir une carte de Russie quand il pensait sa sœur à Chicago, où il pouvait la garder à l’œil et la protéger, Marion se serait certainement plu à la lire. À redécouvrir son écriture. Ces petits détails qui trahissaient sa main. Il gardait encore, précieusement empilés dans une petite boîte métallique, les nombreux courriers que la Puce lui avait fait parvenir durant son séjour au violon. S’il ne les avait jamais relus, le trentenaire se rappelait parfaitement la couleur rose du papier, les dessins qu’il considérait comme des œuvres d’art, ses lettres qui s’entrechoquaient les unes aux autres. Il ignorait si elle bataillait encore avec ses problèmes de dyslexie mais se doutait bien qu'elle était plus assurée qu'à l’époque. Il n’aurait certainement pas reconnu son écriture, aujourd’hui.
« Une chapka ? C’aurait pu mais c’était trop cher et en plus, ils utilisent de la fourrure de renard, j’ai trouvé ça dégueulasse. »
Le proxénète lui lança un regard interrogateur. Militait-elle pour la préservation des animaux, à présent ? Il portait trop de cuir et mangeait trop de viande pour se sentir touché par cette cause. Quelque végétarien avait bien tenté de le sensibiliser ou de lui faire entendre raison ; en vain. Marion se bornait à croire que l’homme se portait mieux un veau mort sur le dos et dans l’assiette.
« Tiens… C’est pas grand chose mais c’est l’intention qui compte. »
Il récupéra doucement une boule à neige qu’il s’étonna de voir encore en un seul morceau vu la manière dont la Puce l’avait trimballée, d’un bout du monde à l’autre. Marion secoua la petite sphère, faisant s'envoler les paillettes blanches qui retombèrent lentement comme de la neige sur la Place rouge. Il approcha le souvenir de son nez pour mieux observer les détails de cette vie immobile. Depuis quand n’avait-il pas vu l’une de ces babioles ? Il les pensait cartonnées aux années deux-mille, voire quatre-vingt-dix. Van en avait longtemps eu une dans son bureau. Une pin-up en maillot de bain qui se dorait la pilule sur une plage de sable blanc dont les grains s'envolaient lorsqu'on la retournait. Les yeux rivés sur le paysage moscovite, les sourcils froncés, il tenta de se souvenir l'endroit où il l'avait rangée quand il avait hérité ce qui deviendrait le Naughty H.
Le squelette ne sortit de sa contemplation qu'en sentant le matelas s'enfoncer comme sa sœur s'allongeait. Il écarquilla de grands yeux étonnés quand elle lui asséna une question qu'on ne lui avait jamais posée :
« Marion… Comment ça se fait que t’as jamais pensé à fonder une famille ? ‘Fin je veux dire, comment ça se fait qu’à 37 ans t’aies pas encore d’enfants ou une femme et tout ? Je sais qu’aujourd’hui la vie idéale se résume pas à ça mais des fois je me dis que ça serait super bien pour nous; pas toi ? »
Il sentit un gouffre s'ouvrir sous ses pieds pour l'avaler tout entier. Une déferlante de confusion s'abattit dans son esprit, une chape de plomb lui lesta l'estomac. Sa gorge se noua un instant, empêchant son palpitant de lui remonter l'œsophage pour aller se pendre au bord de ses lèvres recouvertes d'encre. Condamné à rester à sa place dans sa cage d'os, son cœur cessa de battre. S'il ne pouvait pas prendre la fuite, il pouvait s'arrêter. Creuser douloureusement sa poitrine. Repartir violemment en lui donnant la nausée. Marion planta un regard voilé d'incompréhension sur le visage de la Puce.
Il n'avait ni le physique, ni le caractère de l'homme qui aspirait à une vie tranquille et rangée. Personne ne s'était jamais embarrassé à lui demander ce qu'il attendait pour fonder une famille. Personne n'avait jamais été assez con pour croire qu'il ferait un bon mari, pire encore, un bon père. Dieu savait pourtant qu'il songeait encore à ce que sa vie ressemblerait s'il s'encombrait d'une femme et de marmots. Il pensait parfois à la blonde qu'il aurait voulu épouser, à la fille qu'il n'aurait jamais, au gamin qui n'existerait pas. Il voyait avec une clarté déconcertante la maison de banlieue, le gazon parfaitement entretenu, le chien au pelage doré, la voiture familiale toujours impeccable.
Marion ravala comme il le put le nœud qui coinçait sa gorge et se recomposa un masque de sarcasme.
« Eh, quoi ? C’est un standard ? Un homme doit obligatoirement être père de famille à mon âge ? J’ai déjà tout ce qu’il faut, regarde : un mari infidèle, un chien qui ne ressemble à rien, une sœur en pleine crise d’adolescence. On pourrait lancer une sitcom avec tout ça. Keeping up with the Marshalls, qu’on l’appellerait, lança-t-il en référence à l’incroyablement dramatique famille Kardashian. »
Il s'allongea à son tour, posant la boule à neige sur son plexus, fixant le globe et les paillettes qui s'obstinaient à résister à la gravité. Quel intérêt aurait-il eu à se marier ? Sa femme aurait abandonné le navire au premier coup dur. Au premier coup qu'il aurait porté. Ils ne seraient devenus qu'une statistique de plus. Au mieux un chiffre à ajouter au nombre de divorces, au pire à celui des homicides conjugaux. Que serait-il advenu de ses enfants, alors ? Comment grandissait-on quand notre père avait tué notre mère ? Par jalousie. Par connerie. Par besoin de posséder l'autre.
La Place rouge se trouva tête en bas une seconde pour redonner un peu de souffle à la tempête de neige qui y faisait rage. Marion subissait la même, derrière son front plissé de concentration comme dans son cœur. Il ne voulait pas transmettre son nom à qui que ce soit, moins encore les problèmes qui allaient avec. Holly leur avait légué ce qui l'avait si longtemps rongée - et c'était bien le seul don qu'elle leur ait jamais fait. Cette chose crasse et destructrice, qui n'avait ni nom, ni forme, ni corps, mais ravageait tout sur son passage. Elle s’était glissée dans leur vie, leur sang, leurs gênes, comme une dégénérescence atavique.
Quelque chose n'allait pas chez eux. Mais la gamine n'avait pas besoin de le savoir. Elle avait le droit de croire le contraire et d'aspirer à une vie normale. Marion, lui, avait abandonné. Puisqu'on ne luttait pas contre une tare héréditaire, le tatoué préférait emporter celle qui crevait ses veines dans la tombe. Et si son nom pouvait mourir avec lui, il aurait réussi sa vie.
« J'y ai pensé, un temps ... Puis le caprice m'est passé. Je suis pas assez agréable à vivre pour qu'on ait le courage de me supporter plus d'un an, de toute manière. Il passa un bras sous son crâne et poursuivit : mais tu peux t'y coller, toi, si l'idée te plaît tant. Trouve-toi quelqu'un de bien et fais-moi un neveu ou une nièce.
« J’ai pas pensé à la carte postale… Puis ça t’aurait pas vraiment fait plaisir d’en recevoir une. »
Marion haussa les épaules. Il y avait bien longtemps qu’il ne recevait plus de lettres. Les seuls courriers qui lui parvenaient concernaient des points administratifs, des factures à régler, ou de temps à autres un mot dégoulinant de haine qui le sommait de quitter le quartier, et qu’il jetait à peine la première phrase lue. Il oubliait, la plupart du temps, que son adresse avait été recensée comme celle d’un délinquant sexuel lorsqu’il s’était établi dans le coin. Sans doute son cerveau cherchait-il à occulter l’information pour ne pas remuer inutilement les souvenirs d’une partie de vie qu’il préférait effacer. Par chance, les petits papiers qu’on glissait affectueusement dans sa boîte-à-lettres le ramenaient régulièrement à la réalité en ravivant l’amertume de l’injustice.
Le tatoué ne se consolait qu’en se rappelant que la merdeuse qui l’avait envoyé à l’ombre s’était foutue en l’air, peu après sa libération sous conditionnelle. Sa lâcheté l’avait au moins préservée d’un nouveau face à face avec l’homme qu’elle avait accusé de viol. Mieux valait un suicide qu’un meurtre.
« Qu’est-ce que t’en sais ? »
Passées l’inquiétude et l’incompréhension de recevoir une carte de Russie quand il pensait sa sœur à Chicago, où il pouvait la garder à l’œil et la protéger, Marion se serait certainement plu à la lire. À redécouvrir son écriture. Ces petits détails qui trahissaient sa main. Il gardait encore, précieusement empilés dans une petite boîte métallique, les nombreux courriers que la Puce lui avait fait parvenir durant son séjour au violon. S’il ne les avait jamais relus, le trentenaire se rappelait parfaitement la couleur rose du papier, les dessins qu’il considérait comme des œuvres d’art, ses lettres qui s’entrechoquaient les unes aux autres. Il ignorait si elle bataillait encore avec ses problèmes de dyslexie mais se doutait bien qu'elle était plus assurée qu'à l’époque. Il n’aurait certainement pas reconnu son écriture, aujourd’hui.
« Une chapka ? C’aurait pu mais c’était trop cher et en plus, ils utilisent de la fourrure de renard, j’ai trouvé ça dégueulasse. »
Le proxénète lui lança un regard interrogateur. Militait-elle pour la préservation des animaux, à présent ? Il portait trop de cuir et mangeait trop de viande pour se sentir touché par cette cause. Quelque végétarien avait bien tenté de le sensibiliser ou de lui faire entendre raison ; en vain. Marion se bornait à croire que l’homme se portait mieux un veau mort sur le dos et dans l’assiette.
« Tiens… C’est pas grand chose mais c’est l’intention qui compte. »
Il récupéra doucement une boule à neige qu’il s’étonna de voir encore en un seul morceau vu la manière dont la Puce l’avait trimballée, d’un bout du monde à l’autre. Marion secoua la petite sphère, faisant s'envoler les paillettes blanches qui retombèrent lentement comme de la neige sur la Place rouge. Il approcha le souvenir de son nez pour mieux observer les détails de cette vie immobile. Depuis quand n’avait-il pas vu l’une de ces babioles ? Il les pensait cartonnées aux années deux-mille, voire quatre-vingt-dix. Van en avait longtemps eu une dans son bureau. Une pin-up en maillot de bain qui se dorait la pilule sur une plage de sable blanc dont les grains s'envolaient lorsqu'on la retournait. Les yeux rivés sur le paysage moscovite, les sourcils froncés, il tenta de se souvenir l'endroit où il l'avait rangée quand il avait hérité ce qui deviendrait le Naughty H.
Le squelette ne sortit de sa contemplation qu'en sentant le matelas s'enfoncer comme sa sœur s'allongeait. Il écarquilla de grands yeux étonnés quand elle lui asséna une question qu'on ne lui avait jamais posée :
« Marion… Comment ça se fait que t’as jamais pensé à fonder une famille ? ‘Fin je veux dire, comment ça se fait qu’à 37 ans t’aies pas encore d’enfants ou une femme et tout ? Je sais qu’aujourd’hui la vie idéale se résume pas à ça mais des fois je me dis que ça serait super bien pour nous; pas toi ? »
Il sentit un gouffre s'ouvrir sous ses pieds pour l'avaler tout entier. Une déferlante de confusion s'abattit dans son esprit, une chape de plomb lui lesta l'estomac. Sa gorge se noua un instant, empêchant son palpitant de lui remonter l'œsophage pour aller se pendre au bord de ses lèvres recouvertes d'encre. Condamné à rester à sa place dans sa cage d'os, son cœur cessa de battre. S'il ne pouvait pas prendre la fuite, il pouvait s'arrêter. Creuser douloureusement sa poitrine. Repartir violemment en lui donnant la nausée. Marion planta un regard voilé d'incompréhension sur le visage de la Puce.
Il n'avait ni le physique, ni le caractère de l'homme qui aspirait à une vie tranquille et rangée. Personne ne s'était jamais embarrassé à lui demander ce qu'il attendait pour fonder une famille. Personne n'avait jamais été assez con pour croire qu'il ferait un bon mari, pire encore, un bon père. Dieu savait pourtant qu'il songeait encore à ce que sa vie ressemblerait s'il s'encombrait d'une femme et de marmots. Il pensait parfois à la blonde qu'il aurait voulu épouser, à la fille qu'il n'aurait jamais, au gamin qui n'existerait pas. Il voyait avec une clarté déconcertante la maison de banlieue, le gazon parfaitement entretenu, le chien au pelage doré, la voiture familiale toujours impeccable.
Marion ravala comme il le put le nœud qui coinçait sa gorge et se recomposa un masque de sarcasme.
« Eh, quoi ? C’est un standard ? Un homme doit obligatoirement être père de famille à mon âge ? J’ai déjà tout ce qu’il faut, regarde : un mari infidèle, un chien qui ne ressemble à rien, une sœur en pleine crise d’adolescence. On pourrait lancer une sitcom avec tout ça. Keeping up with the Marshalls, qu’on l’appellerait, lança-t-il en référence à l’incroyablement dramatique famille Kardashian. »
Il s'allongea à son tour, posant la boule à neige sur son plexus, fixant le globe et les paillettes qui s'obstinaient à résister à la gravité. Quel intérêt aurait-il eu à se marier ? Sa femme aurait abandonné le navire au premier coup dur. Au premier coup qu'il aurait porté. Ils ne seraient devenus qu'une statistique de plus. Au mieux un chiffre à ajouter au nombre de divorces, au pire à celui des homicides conjugaux. Que serait-il advenu de ses enfants, alors ? Comment grandissait-on quand notre père avait tué notre mère ? Par jalousie. Par connerie. Par besoin de posséder l'autre.
La Place rouge se trouva tête en bas une seconde pour redonner un peu de souffle à la tempête de neige qui y faisait rage. Marion subissait la même, derrière son front plissé de concentration comme dans son cœur. Il ne voulait pas transmettre son nom à qui que ce soit, moins encore les problèmes qui allaient avec. Holly leur avait légué ce qui l'avait si longtemps rongée - et c'était bien le seul don qu'elle leur ait jamais fait. Cette chose crasse et destructrice, qui n'avait ni nom, ni forme, ni corps, mais ravageait tout sur son passage. Elle s’était glissée dans leur vie, leur sang, leurs gênes, comme une dégénérescence atavique.
Quelque chose n'allait pas chez eux. Mais la gamine n'avait pas besoin de le savoir. Elle avait le droit de croire le contraire et d'aspirer à une vie normale. Marion, lui, avait abandonné. Puisqu'on ne luttait pas contre une tare héréditaire, le tatoué préférait emporter celle qui crevait ses veines dans la tombe. Et si son nom pouvait mourir avec lui, il aurait réussi sa vie.
« J'y ai pensé, un temps ... Puis le caprice m'est passé. Je suis pas assez agréable à vivre pour qu'on ait le courage de me supporter plus d'un an, de toute manière. Il passa un bras sous son crâne et poursuivit : mais tu peux t'y coller, toi, si l'idée te plaît tant. Trouve-toi quelqu'un de bien et fais-moi un neveu ou une nièce.
CODE BY ÐVÆLING
- Hunter Fawkesoh cousine, tu danses ?
- Messages : 97
Date d'inscription : 02/01/2021
Avatar + (c) : Jensen Ackles + @Mysterious_Corvidae
Occupation : Sergent + chef d'équipe des patrouilleurs
Statut Civil : Célibataire
Re: Smoked mood. | TPK
Lun 1 Mar - 10:23
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|